FUNNY GAMES U.S. (2007)

Michael Haneke réalise lui-même le remake de son film sordide sans chercher à en atténuer la violence brute et banalisée

FUNNY GAMES U.S.

2005 – USA

Réalisé par Michael Haneke

Avec Naomi Watts, Tim Roth, Michael Pitt, Brady Corbet, Siobhan Fallon, Boyd Gaines, Todd Gearhart, Robert Lupone

THEMA TUEURS

Film choc de l’année 1997, Funny Games était, de l’aveu même de son réalisateur, principalement destiné au public américain. Mais les Etats-Unis étant souvent rétifs aux cinématographies en langue étrangère, le quatrième long-métrage de Michael Haneke s’enferma dans le ghetto des salles d’art et essai et ne trouva ses spectateurs qu’en Europe. C’est pour lui donner une seconde chance outre-Atlantique que le réalisateur décida d’en tourner lui-même un remake, sans changer grand-chose au film original. Ainsi, à l’exception du casting et de la langue anglaise, les deux Funny Games se ressemblent comme deux gouttes d’eau, souvent au plan près. Loin de la démarche d’un Gus Van Sant, qui reprenait servilement le découpage de Psychose mais perdait en cours de route toute l’essence de son modèle, Funny Games n’a rien perdu de son impact en émigrant sur le continent américain, et la présence de superstars en tête d’affiche n’affecte en rien son approche hyperréaliste. Il faut dire que Naomi Watts et Tim Roth s’avèrent remarquablement crédibles dans le rôle d’Anna et George, deux époux amateurs d’opéra qui décident de passer des vacances près d’un lac avec leur fils Georgie (Devon Gearhart, lui aussi confondant de justesse malgré son tout jeune âge). Tout se passe à merveille jusqu’à l’intrusion de deux adolescents, Paul (Michael Pitt) et Peter (Brady Corbet), qui s’apprêtent à les séquestrer et les torturer à mort.

Oppressant d’un bout à l’autre, garni de séquences de suspense éprouvantes qui ne laissent aucun échappatoire aux victimes, Funny Games U.S. est une claque, un coup de poing dans le ventre du spectateur qui vit là une expérience souvent déplaisante. La violence étant toujours hors champ, le film ne peut certes pas être taxé de complaisant, et s’inscrit même à contre-courant des « torture shows » sanglants façon Saw et Hostel. Mais l’absence d’horreurs visuelles ne décuple que davantage l’horreur psychologique. Et en ce domaine, Haneke excelle. 

Des meurtres divertissants ?

On ne nous ôtera pas de l’idée qu’il y prend un certain plaisir, à l’image de ce duo d’adolescents presque sympathiques qui nous prennent même à témoin, le temps de quelques coups d’œil à la caméra, pour nous enjoindre à bien profiter du spectacle. Et lorsqu’Anna leur demande pourquoi ils ne les tuent pas tout de suite, Paul rétorque en souriant : « il ne faut pas sous-estimer l’importance du divertissement ». Ce cynisme s’adresse-t-il aux réalisateurs et aux spectateurs des films d’horreur, avide de meurtres et de sang ? La violence banalisée est-elle ici condamnée ? Si c’est le cas, force est de reconnaître que le message passe bien mal, et avec aussi peu d’efficacité que dans le très brouillon Assassin(s) de Mathieu Kassovitz. Haneke semble vouloir nous dire que la haute société engendre des monstres, que la jeunesse est en perte de repères, que les médias ne font qu’accroître cette dérive inexorable… Pourquoi pas ? Ces réflexions justifient-elles pour autant un film se délestant de tous les apparats traditionnels du cinéma de genre pour nous donner à voir une sorte de faits-divers sordide filmé sans le moindre recul ? Il est permis d’en douter.

© Gilles Penso

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