TENEBRES (1982)

Dario Argento oublie momentanément la sorcellerie pour revenir au giallo qu'il aborde ici sous un angle ultra-violent

TENEBRAE

1982 – ITALIE

Réalisé par Dario Argento

Avec Anthony Franciosa, Christian Borromeo, Giuliano Gemma, John Steiner, Daria Nicolodi, John Saxon 

THEMA TUEURS I SAGA DARIO ARGENTO

Avec le diptyque Suspiria/Inferno, Dario Argento avait frappé très fort. Ses fans attendaient avec impatience le troisième épisode de la « saga des Trois Mères », et lorsque son film suivant fut annoncé sous le titre de Ténèbres, tous les espoirs étaient permis. Or ce n’était qu’une des nombreuses fausses pistes dont le cinéaste aime ponctuer ses œuvres. Car Ténèbres nous emmène ailleurs. « Ce n’est pas sans ironie que j’ai appelé ce film Ténèbres », nous avoue-t-il avec un demi-sourire. « Les gens pensaient naturellement que le film serait consacré à la Mère des Ténèbres, Mater Tenebrarum. Et bien non, j’ai décidé de prendre les spectateurs par surprise. J’avais envie de laisser provisoirement de côté le fantastique pur pour revenir à d’autres thèmes. J’avais consacré cinq ans de ma vie aux « Trois Mères », et je souhaitais passer à autre chose. Les ténèbres du titre n’ont rien de surnaturel ici. Ce sont celles de l’âme du tueur. Elles sont purement humaines et profondément intérieures. »(1) Ténèbres marque donc le retour de Dario Argento à ses premières amours : le giallo. « Le giallo était une seconde nature pour moi, une espèce de retour aux sources », confirme-t-il (2). 

Anthony Franciosa incarne ici Peter Neil, un écrivain américain à succès qui vient à Rome faire la promotion de son nouveau best seller, « Ténèbres ». Or ce roman semble avoir inspiré un meurtre dans la ville. C’est ce que confirme une lettre de l’assassin, directement adressée à Peter. Juste après, deux lesbiennes sont massacrées à leur tour. Le tueur semble être un proche de Peter, mais qui ? « Ténèbres ressemble à certains de mes films précédents, notamment  L’Oiseau au plumage de cristal avec lequel il présente beaucoup de points communs, du point de vue de la narration et des rebondissements », explique Argento. « Mais je ne pouvais pas me contenter de faire la même chose qu’avant. Je souhaitais que Ténèbres ait beaucoup plus d’impact, qu’il soit plus fort visuellement. C’est cette volonté qui a accru le degré de violence du film. » (3)

L'horreur se teinte d'une étrange poésie macabre

Sans doute la montée en puissance du slasher, provoquée par les succès d’Halloween, Vendredi 13 et leurs nombreuses séquelles, n’est-elle pas étrangère à ces excès sanglants. Mais comme toujours chez Argento, l’horreur se teinte d’une étrange poésie macabre qui évacue l’approche réaliste au profit d’une sorte d’onirisme troublant. Ainsi, même si Edgar Poe et Alfred Hitchcock continuent d’influencer le cinéaste, son voyage au pays des « Trois Mères » a d’indiscutables répercussions sur le traitement de Ténèbres. Luciano Tovoli, chef opérateur de Suspiria et Inferno, contribue à faire basculer l’intrigue policière dans une dimension ouvertement fantastique. C’est aussi l’occasion, pour Argento, d’exploiter les possibilités de la Louma, cette ingénieuse grue alors en pleine phase d’expérimentations, qui lui permet un incroyable plan-séquence acrobatique pendant une poursuite échevelée s’achevant comme il se doit en bain de sang. Ténèbres a également marqué les mémoires grâce à l’agressive bande originale pop rock composée par Simonetti, Pignatelli et Morante, transfuges du groupe Goblin.

(1), (2) et (3) Propos recueillis par votre serviteur en février 2011

© Gilles Penso

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