BAD TASTE (1989)

Le premier long-métrage de Peter Jackson est défouloir dont l'argument de science-fiction n'est qu'un prétexte à tous les débordements

BAD TASTE

1989 – NOUVELLE-ZELANDE

Réalisé par Peter Jackson

Avec Peter Jackson, Mike Minett, Pete O’Herne, Terry Potter, Craig Smith, Doug Wren

THEMA EXTRA-TERRESTRES

En 1983, Peter Jackson, fan des Monty Pythons, de Ray Harryhausen, de Gerry Anderson et de King Kong, s’achète une caméra 16 mm et commence à tourner dans sa petite ville natale de Pukerua Bay, au sud de Wellington, un film amateur qui, petit à petit, se transformera en long-métrage. Bad Taste raconte l’invasion d’une ville côtière néo-zélandaise par des extra-terrestres anthropophages décidés à transformer les humains en ingrédients pour une chaîne de fast-food. Une poignée de résistants hargneux, armés jusqu’aux dents, tente bientôt de résister contre l’envahisseur. Avec les moyens du bord, le cinéaste, alors à peine âgé de 22 ans, cède à tous les débordements, prône la gratuité et voit son inventivité stimulée par l’anémie de son budget. Jackson joue lui-même deux rôles dans le film, dont celui d’un homme obligé de nouer sur son front un bandeau pour éviter la chute de son cerveau ! Il en profite pour démontrer déjà une virtuosité indéniable dans l’art du montage, puisque les deux personnages qu’il interprète finissent par se battre. Autre astuce de montage qui a fait couler beaucoup d’encre : le mouton qui explose suite à la propulsion d’une roquette. Omniprésent, Jackson occupe tous les postes clefs derrière la caméra : scénariste, réalisateur, producteur, chef opérateur et créateur des effets spéciaux. Le reste de l’équipe est constitué d’amis motivés et pour la plupart étrangers aux métiers du cinéma. Pendant quatre ans, chaque dimanche, le petit groupe enchaîne les prises de vues et assemble petit à petit ce film déjanté.

Fusillades, poursuites, maquillages spéciaux audacieux (les fameux masques extra-terrestres grimaçants), maquettes (la maison qui s’envole), pyrotechnie (les voitures qui explosent), la petite équipe ne recule devant rien et ne se laisse jamais intimider par les moyens ridicules mis à sa disposition. Dans une ambiance de tournage proche de celle d’Evil Dead, Jackson tourne principalement caméra à l’épaule et bricole lui-même ses grues, ses steadycams et ses chariots de travelling. Un financement complémentaire alloué par la Commission du Cinéma Néo-Zélandais permettra au film de se terminer enfin et de s’achever même sur un climax franchement spectaculaire. Certes, l’humour gras du film, très proche de celui de la plupart des productions Troma, et la vacuité nihiliste de son scénario n’en font pas le chef d’œuvre absolu que beaucoup vénèrent aux quatre coins du globe.

Le talent est déjà là…

Mais le talent de Jackson est déjà très largement perceptible, et sa persévérance force le respect. Parti de rien, dans une Nouvelle-Zélande à la cinématographie alors inconnue, il signe carrément l’un des films les plus gore de l’histoire du cinéma (dans ce registre, il se surpassera lui-même avec l’incroyable Braindead). En 1987, Bad Taste devient l’une des meilleures surprises du Festival de Paris du Film Fantastique et du Marché du Film à Cannes. Il démarre dès lors une fructueuse carrière sur grand écran, surtout si l’on tient compte de son budget anémique, estimé à 11 000 dollars. Peter Jackson est dès lors promu réalisateur culte auprès des fantasticophiles. C’est le début d’une carrière prometteuse qui se muera bien vite en spectaculaire success story.


© Gilles Penso

Partagez cet article