BONS BAISERS DE RUSSIE (1963)

Le second James Bond incarné par James Connery lance l'agent 007 dans une aventure mouvementée sous influence hitchcockienne

FROM RUSSIA WITH LOVE

1963 – GB

Réalisé par Terence Young

Avec Sean Connery, Daniela Bianchi, Pedro Armendariz, Lotte Lenya, Robert Shaw, Bernard Lee, Martine Beswick

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION I SAGA JAMES BOND

Quel roman d’Ian Fleming adapter pour faire suite au succès colossal de James Bond contre docteur No ? Fallait-il surenchérir dans la science-fiction et la gadgétisation, ou plutôt ramener le personnage dans un univers plus réaliste et plus noir ? C’est cette seconde option que choisirent les producteurs Albert Broccoli et Harry Salzman, jetant leur dévolu sur « Bons Baisers de Russie », que le président John Kennedy cita à l’époque comme l’un de ses dix livres de chevet. Ancienne Miss Rome, Daniela Bianchi incarne Tatiana Romanova, une Russe qui a fait savoir qu’elle déserterait en emportant une remarquable machine à coder appelée Lektor si James Bond (dont elle est tombée amoureuse) venait la chercher à Istanbul. Ce que 007 et son supérieur M ignorent, c’est que le S.P.E.C.T.R.E. a manigancé toute l’histoire, pour trois raisons : pousser les Russes et les Anglais à s’affronter, revendre très cher aux Russes le Lektor que les agents du S.P.E.C.T.R.E. auront ainsi récupéré, et tuer James Bond pour venger la mort de leur ancien agent le docteur No. Même si le prétexte amoureux est un peu grossier, ils estiment que les Anglais tomberont facilement dans le piège…

Souvent considéré comme l’un des meilleurs James Bond de toute la série, Bons baisers de Russie se laisse inspirer par le cinéma d’espionnage popularisé par Alfred Hitchcock, comme en témoignent ce long chassé croisé à bord d’un train ou cette prise en chasse de Bond par un hélicoptère, réminiscences de quelques scènes clefs de La Mort aux trousses. Effectuant là ses premiers pas sur le grand écran, Daniela Bianchi est une James Bond Girl des plus séduisantes, et le film compte parmi ses scènes d’anthologie le fameux combat à mort de deux Bohémiennes s’étant amourachées du même homme, l’une d’entre elles étant incarnée par la belle Martine Beswick, qui réitérera l’exercice du « catch féminin » trois ans plus tard avec Raquel Welch dans Un Million d’années avant JC« J’avais postulé pour jouer Honey Rider, le rôle féminin principal de James Bond contre docteur No », nous raconte Martine Beswick. « A l’époque, je ne connaissais rien à l’univers de 007, je n’avais lu aucun livre de Ian Fleming. Terence Young m’a regardée et m’a dit : “Tu es trop jeune pour jouer Honey Rider. Acquiers un peu d’expérience et reviens me voir“. C’est un homme qui savait exactement ce qu’il voulait. Il m’avait promis de me faire jouer dans un autre film, parce qu’il avait vu quelque chose de “spécial“ en moi. J’étais persuadée que c’étaient des promesses en l’air. Mais il a tenu parole. Il m’a rappelée pour Bons baisers de Russie en me disant : “Tu seras parfaite pour jouer la Gitane“ » (1).

 

Catch féminin, chaussure empoisonnée et tueur russe

Futur chasseur de requin des Dents de la mer, Robert Shaw campe ici un tueur redoutable, et son affrontement avec Bond constitue l’un des moments forts du film. A ses côtés, Lotte Lenya excelle dans la peau de l’affreuse Rosa Klebb qui élimine ses ennemis d’un coup de couteau empoisonné caché dans sa chaussure. Avec des méchants aussi réussis, le film ne pouvait que plaire, si l’on en croit l’adage hitchcockien. Dans le camp des bons, l’inébranlable Bernard Lee et la malicieuse Loïs Maxwell reprennent respectivement leurs rôles de M et de sa secrétaire Miss Moneypenny, tandis que Desmond Llewelyn joue pour la première fois le personnage qui le rendra célèbre : Q, le créateur des gadgets de 007. Décidément supérieur à James Bond contre docteur No sur bien des points, Bons baisers de Russie se permet quelques traits d’humour référentiels du meilleur effet (la trappe cachée dans la bouche de l’actrice Anita Ekberg sur l’affiche de Call Me Bwana, produit la même année par Broccoli et Salzman), et s’offre une extraordinaire bande originale, signée cette fois-ci intégralement par John Barry qui deviendra l’un des piliers artistiques de la saga James Bond.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en juin 2019

© Gilles Penso

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