BRAINSTORM (1983)

Douglas Trumbull anticipe avec des décennies d'avance le développement des univers virtuels

BRAINSTORM

1983 – USA

Réalisé par Douglas Trumbull

Avec Christopher Walken, Natalie Wood, Louise Fletcher, Cliff Robertson, Jordan Christopher, Donald Hotton

THEMA MONDES PARALLELES ET MONDES VIRTUELS

Concepteur des magnifiques effets visuels de 2001 l’odyssée de l’espace, Rencontres du troisième type, Star Trek le film et Blade Runner, Douglas Trumbull était passé derrière la caméra au début des années 70 pour réaliser un space opéra écologique au ton très personnel, Silent Running. Dix ans plus tard, le voilà aux commandes de son second long-métrage, Brainstorm, mettant en vedette Christopher Walken et Natalie Wood. Assisté par Richard Yuricich, Trumbull entame le tournage de ce film alors que Blade Runner n’est pas encore achevé, laissant à David Dyer le soin de finaliser les effets visuels du chef d’œuvre de Ridley Scott. Ecrit par Philip Frank Messina d’après une histoire originale de Bruce Joel Rubin et Robert Stitzel, le scénario de Brainstorm imagine une machine reliée au cerveau humain et permettant de lire et d’enregistrer toutes les sensations physiques, émotionnelles et intellectuelles d’un individu. Lesdites sensations peuvent ensuite être reproduites et revécues intégralement par n’importe quelle autre personne. A l’instar de l’Au-delà du réel de Ken Russell, Brainstorm se vit surtout comme un trip, un étrange voyage en caméra souvent subjective parsemé de visions fantastiques. L’originalité du postulat de départ se double d’un traitement technique novateur, avec l’utilisation d’un format d’image 4/3 s’élargissant en Cinémascope pour les visions des porteurs du casque, et des effets spéciaux visuels inédits.

Prophétisant avec une décennie d’avance l’énorme développement des univers virtuels, Brainstorm n’est pas sans annoncer les thématiques que déclinera James Cameron pour Strange Days. A vrai dire, la mise en scène de Trumbull élève le film à un niveau que son scénario seul ne lui aurait pas permis d’atteindre. En effet, l’enjeu pour lequel tout le monde s’agite et se poursuit dans le film reste finalement assez obscur. S’agit-il de cette fabuleuse invention capable d’enregistrer et de restituer les sensations, ou seulement de la bande enregistrée de la mort de Lilian Reynolds (Louise Fletcher) ? Comment l’armée compte-t-elle s’en servir ? Michael Brace (Christopher Walken) cherche-t-il à empêcher les militaires de s’approprier l’invention, ou n’a-t-il pour seul but que de se passer ladite bande une fois en entier pour en tester l’effet ? Quelles sont les motivations d’Alex Terson (Cliff Robertson) ? Toutes ces interrogations restant dans le flou, il s’avère bien difficile de prendre fait et cause pour ou contre les protagonistes. Mais il est clair que la dramaturgie de Brainstorm bouleverse les habitudes des spectateurs pour les inviter à vivre une expérience presque métaphysique.

La mort prématurée de Natalie Wood

Frappé par la mort prématurée de Natalie Wood, le film manque bien ne jamais voir le jour, les cadres du studio s’efforçant d’en interrompre le tournage. Mais Trumbull se bat jusqu’au bout et mène son projet à bien, recueillant un beau succès d’estime à défaut de s’attirer les faveurs d’un large public. La mésaventure le marque cependant suffisamment pour qu’il décide dès lors d’abandonner définitivement Hollywood au profit des films dynamiques conçus pour les parcs d’attractions. Il en profite pour mettre en application le Showscan, un procédé de prise de vues et de projection à soixante images par seconde qui offre aux spectateurs une luminosité et une finesse d’image inégalées et que les limitations budgétaires de Brainstorm ne lui permettaient pas d’expérimenter. Revoir ce film aujourd’hui permet de mesurer à quel point Trumbull était un incroyable visionnaire.

 

© Gilles Penso

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