DANS LA BRUME ÉLECTRIQUE (2009)

Bertrand Tavernier dirige outre-Atlantique Tommy Lee Jones dans une histoire policière aux confins du surnaturel

IN THE ELECTRIC MIST

2009 – FRANCE / USA

Réalisé par Bertrand Tavernier

Avec Tommy Lee Jones, John Goodman, Peter Sarsgaard, Ned Beatty, James Gammon, Mary Steenburgen, Levon Helm

THEMA TUEURS I FANTÔMES

En donnant naissance à l’inspecteur Dave Robicheaux, l’écrivain James Lee Burke prouva que la Lousiane pouvait être le décor idéal d’enquêtes policières moites et lyrique. Héros d’une vingtaine de romans, il fit sa première incursion à l’écran en 1996 avec Vengeance froide de Phil Joannou, sous les traits d’Alec Baldwin, mais cette « hollywoodisation » du personnage s’éloignait quelque peu de l’atmosphère des textes de Burke. Séduit par le roman « In the Electric Mist with Confederate Dead » (autrement dit « Dans la brume électrique avec les morts confédérés »), Bertrand Tavernier a jeté son dévolu sur Tommy Lee Jones, interprète idéal à ses yeux de Robicheaux, et a emmené son équipe à la Nouvelle-Orléans pour un tournage intensif de quarante jours. « Bertrand a toujours voulu tourner dans les vrais lieux historiques de ses films », raconte le directeur de la photographie Bruno de Keyzer. « A l’époque de La Vie et rien d’autre, il nous avait tous emmenés pendant deux mois à Verdun. Le directeur de production et moi-même tentions de le convaincre qu’un champ en plein hiver pouvait tout aussi bien être filmé à cinquante kilomètres de Paris, mais il est resté inflexible. Pour Dans la Brume Electrique, il a procédé de la même façon, et nous sommes allés filmer dans les lieux exacts décrits par James Lee Burke. » (1)

Nous sommes donc à New Iberia, en Louisiane, théâtre d’une série de meurtres atroces perpétrés sur de très jeunes femmes. Alors qu’il vient de découvrir une nouvelle victime, l’inspecteur Robicheaux rencontre Elrod Sykes (Peter Sarsgaard), une grande star hollywoodienne venue tourner un film sur la guerre de Sécession produit par Julius Balboni (John Goodman), une des grandes figures de la mafia locale. Bientôt, Elrod confie à Dave qu’il a repéré dans un bayou des ossements humains enchaînés… Tavernier ayant décidé d’aborder son récit sous un angle extrêmement réaliste et de ne jamais s’appesantir sur l’état des victimes, Dans la brume électrique est à priori plus proche du film noir que du film d’épouvante façon Seven.

Un étrange paradoxe temporel

Or si le fantastique surgit progressivement au sein de cette enquête noyée dans les bayous brumeux, ce n’est pas sous l’angle de l’horreur inhérente aux histoires de serials killers, mais via un étrange paradoxe temporel dont on ne saurait dire s’il est onirique ou tangible. La première option semble la plus raisonnable, jusqu’à ce qu’un ultime plan, qui n’est pas sans évoquer le final de Shining, ne vienne bouleverser toutes les certitudes. Cette approche résolument anticonformiste a créé une tension croissante entre Tavernier et ses producteurs américains pendant la post-production du film. « Les Américains préféraient un thriller plus classique », explique De Keyzer. « Chacun a donc fait son montage. Celui de Bertrand est sorti en salles en France, et le montage américain a été directement distribué en DVD aux Etats-Unis, ce qui est franchement dommage. » (2) D’autant plus dommage que dans sa version « française », Dans la brume électrique est un excellent polar mystique, transcendé par le jeu tourmenté de Tommy Lee Jones, la prestation réjouissante de John Goodman et la présence lumineuse de Mary Steenburgen.


(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en mars 2009

© Gilles Penso

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