DARKMAN (1990)

Sam Raimi transforme Liam Neeson en super-héros sombre, torturé et horriblement défiguré

DARKMAN

1990 – USA

Réalisé par Sam Raimi

Avec Liam Neeson, Frances McDormand, Colin Friels, Larry Drake, Nelson Mashita, Jessie Lawrence Ferguson, Rafael H. Robledo 

THEMA SUPER-HEROS I SAGA DARKMAN

Quatrième long-métrage de Sam Raimi, Darkman est un film hybride qui semble hésiter entre plusieurs styles. Cet état de fait s’explique en partie par sa genèse. Raimi avait créé un événement avec Evil Dead, mais sa tentative d’aborder la comédie noire par le biais de Mort sur le grill ne fut pas accueillie avec l’enthousiasme attendu. D’où un retour aux sources avec Evil Dead 2 et un nouveau succès planétaire. Pour prouver qu’il était capable de raconter autre chose que l’affrontement de Bruce Campbell avec des démons ancestraux, le cinéaste décida d’aborder un autre de ses sujets de prédilection : le super-héros. Avec la bénédiction du studio Universal, il envisagea dans un premier temps l’adaptation de « The Shadow », célèbre justicier masqué créé par Walter B. Gibson au début des années 30. Incapable d’obtenir les droits du personnage, il s’en inspira donc largement pour créer de toutes pièces un héros d’un nouveau genre baptisé Darkman, autrement dit « l’homme sombre ».

Au départ, il s’agit d’un scientifique nommé Peyton Westlake, au travail sur un projet de peau humaine synthétique. Si les premiers essais sont concluants, la peau artificielle obtenue se désagrège hélas au bout de 99 minutes. La petite amie de Peyton, Julie, est avocate, et laisse un soir des documents compromettants dans le laboratoire de son scientifique chéri. Or un mafieux psychopathe est prêt à tout pour récupérer ces documents, quitte à mettre le feu au laboratoire et à laisser Peyton pour mort. Notre homme survit par miracle, mais il est horriblement défiguré. Grâce à sa peau synthétique, il se confectionne désormais toutes sortes de visages et se mue en justicier nocturne et vengeur. Au-delà de « The Shadow », d’autres influences classiques parsèment l’intrigue et le look de ce nouvel anti-héros : Docteur X de Michael Curtiz, Le Fantôme de l’opéra de Charles Lubin, et surtout L’Homme au masque de cire d’André de Toth, auquel Darkman doit beaucoup. Les ruptures de ton brutales du film (le mélodrame et l’humour cartoonesque s’y enchaînent sans préavis) peuvent s’avérer déstabilisantes, mais la sincérité de Sam Raimi transparaît derrière chaque photogramme.

Le justicier schizophrène

Le cinéaste en profite pour concocter une fois de plus des séquences étourdissantes reposant sur le suspense (le compte à rebours avant la désintégration du premier masque que se fabrique notre héros), l’action échevelée (la poursuite en hélicoptère) ou la poésie visuelle imprégnée de gothisme (Darkman accroupi sur une corniche qui surplombe la ville tel une gargouille). Le casting fut l’objet d’une véritable partie de chaises musicales. Raimi envisageait tout naturellement Bruce Campbell dans le rôle titre, mais le studio lui préféra Bill Paxton, jusqu’à ce que Liam Neeson, pas encore porté aux nues par La Liste de Schindler, n’hérite de ce justicier schizophrène. Sa petite amie, quant à elle, faillit être Julia Roberts, mais celle-ci opta finalement pour Pretty Woman qui la mua en superstar. C’est donc Frances McDormand, actrice fétiche des frères Coen, qui lui donna corps. Attachant malgré –ou à cause de – ses imperfections, Darkman peut s’appréhender rétrospectivement comme le premier jet de la saga super-héroïque que Raimi signera onze ans plus tard avec Spider-Man

 

© Gilles Penso

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