FREDDY SORT DE LA NUIT (1994)

Déçu de voir son croquemitaine se transformer peu à peu en clown caricatural, Wes Craven décide de reprendre en main la franchise Freddy Krueger

WES CRAVEN’S NEW NIGHTMARE

1994 – USA

Réalisé par Wes Craven

Avec Heather Langenkamp, Robert Englund, Miko Hughes, Wes Craven, John Saxon, Robert Shaye

THEMA TUEURS I RÊVES I SAGA FREDDY KRUEGER WES CRAVEN

Dix ans après la naissance de Freddy Krueger, Wes Craven décide de le ressusciter lui-même en mettant en scène cette suite au titre éloquent : Wes Craven’s New Nightmare. Le résultat s’avère déroutant, car, plus qu’une séquelle, il s’agit d’une relecture du mythe sur un autre niveau. « Peut-être la plupart des gens n’ont-ils vu dans Les Griffes de la nuit qu’un simple film d’horreur mettant en scène une fille qui refuse de dormir ! », avoue le réalisateur « Toujours est-il que Freddy Krueger, que j’ai conçu comme un symbole de nos différents niveaux de conscience, s’est transformé au fil des films en simple croquemitaine anonyme. Voilà pourquoi j’ai tenu à réaliser le dernier film de la série, afin de revenir à l’idée originale. » (1) Ici, Heather Langenkamp, Robert Englund, John Saxon et Craven lui-même jouent leur propre rôle, au fil d’un exercice de mise en abîme assez audacieux. En effet, par une contorsion vertigineuse du scénario, les personnages y vivent des événements qui sont censés déjà avoir été rédigés dans un script.

Ainsi, lorsque le film commence, nous apprenons que Freddy est mort une bonne fois pour toutes. C’est en tout cas ce que pensent les acteurs, l’auteur et le producteur de cette série à succès. Pour l’actrice Heather Langenkamp, Les Griffes de la nuit ne représente plus qu’un souvenir, jusqu’à ce que cauchemars et phénomènes paranormaux ne troublent sa vie quotidienne. Robert Englund, interprète de Freddy, lui parle de l’intention des producteurs de tourner un nouvel épisode que Wes Craven serait en train d’écrire. Or elle apprend que le réalisateur refait lui aussi des cauchemars, comme si Freddy était en train de s’insinuer dans la réalité de ses créateurs. Le film s’amuse ainsi avec l’icône qu’est devenue le croquemitaine, véritable partie intégrante de la culture populaire depuis le milieu des années 80. « Tous les enfants savent qui est Freddy », déclare Heather Langenkamp au cours du film. « Il est comme le Père Noël… ou comme King Kong ».

« Il est comme le Père Noël… ou comme King Kong »

Si le miracle des Griffes de la nuit n’est pas réitéré, force nous est de constater que ce nouveau cauchemar surpasse sans trop de difficultés les cinq précédents. Cette supériorité s’explique par une approche nouvelle du concept, conçue un peu comme une revanche à l’encontre d’une franchise ayant échappé à son instigateur. Ici, Craven nous affirme clairement que tout ce que nous avions vu jusqu’à présent n’était que de la fiction, et que la réalité est bien pire. Et de fait, les crises de Dylan, le fils de l’héroïne, s’avèrent plus terrifiantes que tous les cauchemars des épisodes précédents. Quant à Freddy, maquillé par son créateur David Miller, il bénéficie d’un nouveau look, avec un visage s’éloignant du design de Kevin Yagher et des griffes greffées à une main squelettique. Aux côtés d’Heather Langenkamp, il revisite à sa manière le motif de la Belle et la Bête. « Je crois profondément que les contraires s’attirent, et que le pouvoir de la Bête est complémentaire de celui de la Belle », nous dit la comédienne à ce propos. « Malgré les apparences, ils sont parfaitement assortis. C’est le cas de Freddy et Nancy. Il a le pouvoir de l’effrayer, mais elle a le pouvoir d’affronter ses propres peurs. Wes Craven insistait beaucoup sur cette notion. Selon lui, notre plus grande force était de pouvoir faire face aux événements et à l’adversité. Si l’on s’enfuit, on a perdu. Face à la Bête, la Belle doit s’affirmer et faire front. » (2) Même si le discours “méta” de Wes Craven peut sembler prétentieux et quelque peu réactionnaire, il est difficile de ne pas partager son constat amer sur la destruction d’un mythe passionnant pour de banales raisons commerciales.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en octobre 2005

(2) Propos recueillis par votre serviteur en juin 2019

 

© Gilles Penso

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