GAMERA (1965)

Pour concurrencer le succès croissant du Godzilla de la Toho, le studio Daei invente Gamera le tortue géante !

DAIKAIJU GAMERA

1965 – JAPON

Réalisé par Noriaki Yuasa

Avec Eiji Funakoshi, Harumi Kiritachi, Junichiro Yamashiko, Yoshiro Uchida, Michiko Sugata, Yoshiro Kitahara 

THEMA REPTILES ET VOLATILES I SAGA GAMERA

Depuis 1954, Godzilla et ses séquelles font un tabac partout dans le monde, à la grande joie du studio japonais Toho. Très envieuse de ce succès colossal, la compagnie concurrente Daeï décide de surfer sur la vague en lançant son propre monstre géant radio-actif : Gamera, la tortue antédiluvienne ! Un tel concept peut prêter à sourire, mais cette créature improbable se tailla une place de choix dans le paysage cinématographique nippon, et le premier Gamera eut droit à une bonne dizaine de séquelles. Très proche du Godzilla original dans son ambiance et sa mise en forme (en Cinémascope noir et blanc), Gamera le Monstre Géant commence au beau milieu de l’Arctique où s’engage une bataille aérienne entre des chasseurs de l’US Air Force et des avions non identifiés (probablement russes puisque nous sommes alors en pleine guerre froide). L’un des appareils, chargé d’une arme nucléaire, s’écrase dans le désert blanc en provoquant un gigantesque champignon atomique. Aussitôt, Gamera, monstre atlante endormi sous les glaces depuis des millénaires, surgit de son carcan gelé et détruit tout sur son passage.

L’anatomie de ce reptile démesuré laisse rêveur. Si ses allures évoquent vaguement une tortue, il marche sur ses pattes postérieures comme un homme, est censé mesurer soixante mètres de haut, arbore deux canines énormes, aspire le feu et – summum de délire surréaliste – se transforme en soucoupe volante pour pouvoir évoluer dans les airs ! Plusieurs séquences évoquent fatalement Godzilla, mais aussi son modèle Le Monstre des temps perdus, notamment l’attaque de la centrale électrique et la destruction du phare, véhiculant un sentiment de déjà-vu que rachètent en partie les jolies maquettes, les effets pyrotechniques généreux et les incrustations habiles. Or, comme souvent dans ce type de production, c’est finalement le monstre lui-même qui s’avère le plus mal loti en matière d’effets spéciaux. Son costume en latex ne fait pas vraiment illusion, et le dessin animé tremblotant qui le représente sous sa forme « aérienne » est d’une touchante maladresse.

Expédions Gamera sur la planète Mars !

Entre deux scènes de monstre, le scénario s’intéresse à une poignée de protagonistes humains, en particulier un savant fasciné par l’Atlantide, un petit garçon obsédé par les tortues et un journaliste qui s’entiche d’une scientifique timorée. Mais la légèreté avec laquelle sont traités ces protagonistes archétypaux entrave tout processus d’identification. Pourtant, on sent bien un effort, au fil du récit, pour s’inscrire dans les préoccupations de l’époque, notamment les tensions politiques entre l’Est et l’Ouest et les conflits générationnels propres aux années soixante. Mais la lourdeur des dialogues (« Ils viennent propager la guerre froide jusque dans le havre de paix des Esquimos ») et de la mise en scène (les jeunes fêtards amateurs de pop music qui se heurtent aux autorités ne sont pas crédibles pour un sou) ruinent souvent ces belles intentions. Finalement, toutes les nations s’unissent dans l’euphorie pour concevoir le génial plan Z, qui consiste tout simplement à se débarrasser de Gamera en l’envoyant sur la planète Mars à bord d’une fusée géante ! Evidemment, l’exil de la tortue ne durera guère…

 

© Gilles Penso

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