LE MONSTRE DES TEMPS PERDUS (1953)

Cet ancêtre américain de Godzilla a révélé au grand jour le talent du magicien des effets spéciaux Ray Harryhausen

THE BEAST FROM 20 000 FATHOMS

1953 – USA

Réalisé par Eugène Lourié

Avec Paul Christian, Paula Raymond , Cecil Kellaway, Kenneth Tobey, Jack Pennick, Lee Van Cleef, Donald Woods

THEMA DINOSAURES

Très librement inspiré d’une nouvelle de Ray Bradbury publiée à l’époque dans le “Saturday Evening Post”, Le Monstre des temps perdus met en scène un dinosaure carnivore réveillé par une explosion nucléaire en Arctique. Le monstre atomique nage dans le brouillard jusqu’à la côte new-yorkaise où il provoque maints et maints dégâts. Malgré les interventions répétées de l’armée, la bête semble indestructible. Les scientifiques tentent alors une solution ultime… Armés d’un budget ridicule et un scénario ramené à sa plus simple expression, le réalisateur Eugène Lourié (ancien directeur artistique de talent) et le créateur d’effets spéciaux Ray Harryhausen (qui effectue là ses premiers pas en solo) conçoivent avec Le Monstre des temps perdus l’un des meilleurs films sur le sujet pourtant largement galvaudé de la créature géante qui attaque le ville. Le monstre, un dinosaure inventé de toute pièce qui porte le nom imaginaire de Rhedosaurus, ressemble à un tyrannosaure quadrupède au regard particulièrement féroce. « Un vrai dinosaure n’aurait pas été assez grand pour les séquences que nous avions prévues », nous explique Harryhausen. « Nous avons donc conçu un dinosaure imaginaire. Nous étions plus préoccupés par les vertus dramatiques et spectaculaires de cette bête que par sa crédibilité scientifique » (1).

A la demande du producteur Hal Chester, soucieux d’amortir la maquette du monstre, et malgré les protestations du scénariste Fred Freiberger, attaché à une narration plus progressive, la bête apparaît dès le début du film, mais de manière d’abord furtive : derrière des glaciers au milieu d’une tempête de neige, la nuit sur la côte maritime, ou encore dans les fonds marins. La superbe séquence de la destruction du phare, en ombres chinoises, est la seule qui soit directement inspirée de la nouvelle de Bradbury. La scène suivante, dans laquelle le Rhedosaurus attaque New-York en plein jour, est très spectaculaire, compte tenu des maigres moyens du film. La foule en panique est à peine interprétée par 25 figurants et 12 voitures, mais le savoir-faire d’Eugène Lourié fait parfaitement illusion.

La solution vient de la science

L’armée intervient, certes, mais nous n’avons pas droit à l’éternel défilé d’armes et de véhicules de combat destiné à exposer fièrement toute la force de l’US Army, d’autant que les militaires s’avèrent incapables de détruire le monstre. Ce sont finalement les scientifiques, les premiers à avoir vu l’animal monstrueux et à avoir cru en son existence, qui ont raison de lui, au cours d’un final d’anthologie au sommet d’une montagne russe. Les cinéastes japonais s’inspireront très largement du Monstre des temps perdus pour mettre en chantier, dès l’année suivante, la prolifique série des Godzilla« En fait, l’histoire et le dinosaure de Godzilla ont été entièrement copiés sur Le Monstre des temps perdus. C’est pratiquement une copie carbone » (2), corrobore Ray Harryhausen qui, pour sa part, aurait bien mérité l’Oscar des effets spéciaux. Cette injustice, hélas, se répètera tout au long de sa carrière.

 

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en février 2004.

© Gilles Penso

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