JUSQU’EN ENFER (2009)

Après son aventure au pays des super-héros, Sam Raimi revient à ses premières amours avec ce film d'horreur délicieusement régressif

DRAG ME TO HELL

2009 – USA

Réalisé par Sam Raimi

Avec Alison Lohman, Justin Long, Lorna Raver, Dileep Rao, David Paymer, Adrianna Barraza, Chelcie Ross, Reggie Lee

THEMA DIABLE ET DEMONS

Ah, quelle joie de retrouver Sam Raimi sur le terrain qui fit sa gloire : le film d’horreur décomplexé ! Ce retour aux sources s’explique en partie du fait que le scénario de Jusqu’en enfer date de 1992, époque où le réalisateur venait d’achever L’Armée des ténèbresSpider-Man n’avait pas encore fait sauter le box-office. Mais après un troisième épisode témoignant d’un petit essoufflement de la saga arachnéenne, Raimi a décidé de laisser le monte-en-l’air rouge et bleu se reposer pour revenir à ses premières amours, en compagnie de son frère et co-auteur Ivan Raimi. Jusqu’en enfer s’intéresse à Christine Brown (Alison Lohman), modeste employée d’une banque pour laquelle elle gère les prêts en attendant une promotion qu’elle guette avec espoir. Fiancée à un sympathique et jeune médecin (Justin Long), elle constate que ses origines modestes déplaisent quelque peu à des beaux-parents fortunés. Alors qu’elle flotte dans le doute et la frustration, le drame survient : une vieille gitane, à qui elle refuse un prêt, l’attaque violemment dans le parking de la banque et lui jette un sort redoutable. Dès lors, un démon terrifiant, le Lamia, la harcèle jour et nuit, prélude au moment fatidique au cours duquel il l’entraînera dans les entrailles brûlantes de l’Enfer. Comment échapper à une telle malédiction ?

Entouré de comédiens solides, Raimi ose le grand écart entre le drame humain réaliste et l’horreur outrancière. Les tourments de la jeune héroïne sont touchants, crédibles et palpables, les seconds rôles savamment ciselés, et les scènes « banales » (dans la banque, chez les beaux-parents) ne manquent jamais de saveur. Mais dès que le Fantastique pointe le bout de son nez, le cinéaste s’en donne à cœur joie, lorgnant parfois du côté de Tex Avery comme il le fit jadis dans Evil Dead 2. D’ailleurs, plusieurs motifs visuels – comme le possédé qui danse en apesanteur, le chiffon vivant qui se comporte comme un toon hargneux ou le monstre femelle dont les yeux s’éjectent de leurs orbites pour venir se coller sur le visage de Christine – évoquent directement le second volet des aventures d’Ash, tandis que la voiture fétiche du réalisateur, la fameuse Oldmobile Delta 88 de 1973 de la trilogie Evil Dead, joue ici un rôle clef.

Sincérité et générosité

En pleine régression au stade oral, les frères Raimi se servent de la bouche de leur infortunée protagoniste comme véritable défouloir. Tout y entre ou sort, de la mouche aux hectolitres de sang en passant par des amas de vers grouillants, des liquides visqueux variés et même un bras entier ! Pourtant, malgré cette démesure, le ton du film demeure miraculeusement juste, probablement parce que Sam Raimi croit à son histoire et aborde son genre préféré avec sincérité et générosité. Cerise sur le gâteau, Christopher Young compose à l’occasion une magnifique partition digne de son sublime travail sur Hellraiser, laissant la part belle à un violon tzigane soliste qui évoque évidemment les origines de la malédiction et les diverses manifestations du démon. Un twist final délectable clôt le spectacle sur une note dantesque – au sens propre – et finit par susciter la fébrile interrogation : à quand Evil Dead 4 ?!! Une question à laquelle Raimi répondra lui-même en offrant au public la délirante série Ash vs. Evil Dead.

 

© Gilles Penso

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