L’AU-DELA (1981)

Le film le plus gore de Lucio Fulci est un poème macabre qui nous transporte jusqu'aux tréfonds de l'Enfer

L’ALDILA

1981 – ITALIE

Réalisé par Lucio Fulci

Avec Catriona MacColl, David Warbeck, Cinzia Monreale, Antoine Saint-John, Veronica Lazar, Anthony Flees

THEMA ZOMBIES I ARAIGNEES

A peine a-t-il refermé l’une des portes de l’Enfer à la fin de Frayeurs que Lucio Fulci s’empresse d’en ouvrir une autre l’année suivante. Ici, le maître transalpin pousse encore plus loin les expérimentations du film précédent, ne s’encombrant quasiment plus de scénario pour pouvoir accumuler un maximum de séquences insolites et de moments d’horreur visuelle extrême. Tout commence à la Nouvelle Orléans, en 1927. Un groupe de villageois armés de chaînes et de gourdins pénètre dans un hôtel, monte au numéro 36 et agresse violemment son occupant, le peintre Schweik, qui a osé se lancer dans une représentation picturale de l’Enfer. Accusé de sorcellerie, le pauvre diable est déchiqueté à coups de chaînes, crucifié et défiguré à la chaux vive, rien que ça !

Cinquante bonnes années plus tard, la belle Lisa Meddle hérite de l’hôtel et s’y installe avec ses employés. L’horreur se met alors à déferler à un rythme métronomique, sans réelle logique, mais avec un excès assez hallucinant. Un ouvrier qui réparait le toit est précipité dans le vide, un plombier a l’œil arraché par la main livide d’un mort-vivant surgi de la cave, son épouse est lentement défiguré par un bocal d’acide en proie à la lévitation, sa fille est menacée par le mélange de sang et d’acide qui rampe au sol comme un blob menaçant, l’associé de Lisa est dévoré vivant par de grosses araignées bien velues alors qu’il se renseignait à la bibliothèque sur l’origine de l’hôtel, une jeune aveugle a la gorge arrachée par son chien soudain enragé, une gouvernante est agressée par le cadavre du plombier qui lui transperce le crâne avec un clou…

Surréalisme horrifique

L’outrance de ces séquences gore le dispute à leur gratuité, mais cette démesure sans fondement est tellement assumée qu’on finit par l’accepter sans trop de réticence. Les effets spéciaux de Giannetto de Rossi ne font pas dans la finesse, les peaux arrachées ressemblant à du caoutchouc et les yeux à du plastique. Ils demeurent pourtant extrêmement efficaces, grâce à l’inventivité du montage et des effets sonores. Le fin mot de l’histoire est l’origine de l’hôtel, qui s’avère avoir été bâti sur l’une des sept portes de l’Enfer. Or, ceux qui ont vu Frayeurs savent bien que lorsque l’une de ces portes est ouverte, les morts se réveillent pour dévorer les vivants. D’où cette séquence finale cauchemardesque au cours de laquelle Lisa et le médecin John McCabe sont pourchassés dans un hôpital par une horde de zombies directement inspirés de ceux de Romero, et se comportant de fort identique manière. Pour leur échapper, nos héros se réfugient dans le sous-sol, qui communique bizarrement avec celui de l’hôtel, les deux bâtiments étant pourtant séparés de plusieurs kilomètres. Fulci cultive ainsi le paradoxe spatio-temporel, jusqu’à ce que ses protagonistes ne se retrouvent carrément en Enfer, et que la vision qu’ils ont du macabre décor soit identique, quel que soit l’angle sous lequel ils le regardent. Le cinéaste prouve alors plus que jamais son habileté, car avec un budget limité, un peu de terre battue, du brouillard et une dizaine de faux cadavres à demi-ensevelis, il nous livre une des visions de l’Enfer les plus mémorables que le cinéma d’épouvante nous ait offertes à ce jour.

© Gilles Penso

 

Pour en savoir plus

Partagez cet article