LEGEND (1985)

Ridley Scott nous plonge dans un monde magique où Tom Cruise affronte le plus spectaculaire des démons

LEGEND

1985 – GB

Réalisé par Ridley Scott

Avec Tom Cruise, Mia Sara, Tim Curry, David Bennent, Alice Playten, Billy Barty, Cork Hubbert, Peter O’Farrell, Kiran Shah

THEMA CONTES I HEROIC FANTASY I DIABLE ET DEMONS

Avec Alien et Blade RunnerRidley Scott s’est taillé sans mal une réputation d’orfèvre en matière de cinéma fantastique stylisé. Désireux de varier les plaisirs, il troque la science-fiction futuriste contre l’heroïc fantasy atemporelle à l’occasion de Legend, un projet extrêmement ambitieux qui effraie quelque peu les cadres de la 20th Century Fox. Admiratif du travail de Rob Bottin sur Hurlements de Joe Dante, Scott contacte très tôt le talentueux maquilleur pour l’embarquer dans cette aventure. Mais il devient vite très clair que le scénario initial est trop fourni en monstres, nécessitant des délais de production interminables et un budget colossal que le producteur Arnon Milchan ne peut assumer. Avec l’aide de Bottin, le cinéaste revoit donc ses ambitions à la baisse pour aboutir au scénario définitif que rédige William Hjortsberg. Nous sommes donc dans un royaume enchanté, où hommes et bêtes se côtoient paisiblement sous la protection d’un couple de licornes sacrées. Lili, une jeune et belle princesse incarnée par Mia Sara, habite ce pays de lumière dont elle aime explorer les bois en compagnie de son ami Jack, un tendre et joyeux ermite qui connaît tous les secrets de la nature, et à qui Tom Cruise, pas encore portée aux nues par Top Gun, prête ses traits juvéniles. Mais, sous ce paradis, dans les entrailles de la terre, se dissimule un être maléfique : Darkness, qui rêve de plonger le monde dans les ténèbres. Pour y parvenir, il lui faut détruire les deux licornes. La première succombe au dard mortel de trois diaboliques lutins. Jack et Lili sont désormais les seuls à pouvoir rétablir l’équilibre…

 

Porté par ce voyage au cœur de l’imaginaire enfantin, Scott stylise à l’extrême un conte moins naïf qu’il n’y paraît, mettant en œuvre des décors fabuleux, des éclairages magnifiques signés Alex Thomson et des créatures d’anthologie. L’ambivalence permanente des personnages et de leur environnement, sans cesse à cheval entre les ténèbres et la lumière, apporte à la fable une dimension inattendue, à mi-chemin entre les féeries de Walt Disney et l’épouvante de la Hammer, entre l’iconographie hollywoodienne et un esthétisme mi-européen mi-oriental du plus curieux effet. « Qu’est-ce que la lumière sans les ténèbres ? » s’interroge d’ailleurs l’un des personnages au cœur du récit. « Lorsque j’étais adolescent, ma culture cinématographique se limitait aux films américains », nous raconte Ridley Scott. « J’étais donc influencé par le style, la morale et les icônes d’Hollywood. Lorsqu’ensuite j’ai commencé mes études à Londres, j’ai découvert d’autres formes de cinéma, notamment les films européens, ceux d’Ingmar Bergman et d’Akira Kurosawa. C’est à partir de là que j’ai su que je deviendrai moi-même réalisateur de films. » (1)

 

La réincarnation du Diable de Fantasia

Ces influences multiples surgissent dans la splendide forêt de studio de Legend, où pleuvent les fleurs et les bulles, et où s’animent toutes sortes de créatures fabuleuses : une espèce de fée Clochette échappée de Peter Pan, des gnomes en tout genre, un petit satyre violoniste, deux adorables licornes ou encore une abominable sorcière dégoulinante.  Mais la créature la plus inoubliable du film est sans conteste Darkness, superbement interprété par Tim Curry (le Frankenstein transsexuel du Rocky Horror Picture Show). Darkness est né sous les coups de crayon habiles de Ridley Scott et Rob Bottin, tous deux excellents dessinateurs. L’une des premières idées du cinéaste est que cette créature soit capable de changer d’aspect selon son humeur. Démon magnifique dans ses bons moments, il se mue en bête abominable lorsque sa colère éclate. Quelques centaines de dessins et plusieurs semaines de réflexion plus tard, Scott change d’idée et se concentre sur une seule morphologie, celle d’un diable superbe et imposant, rouge vif, aux traits séduisants et au front surmonté de gigantesques cornes. Croisement entre la Bête de Jean Cocteau, le Joker de Batman, la sorcière de Blanche Neige et les sept nains et le diable de Fantasia, Darkness bénéficie également de quelques attributs animaux imaginés par Bottin, notamment un front de taureau et des oreilles de bouc. Tous ces monstres et merveilles s’animent aux accents féeriques d’une partition de Jerry Goldsmith (déjà compositeur d’Alien), qui verse par moments dans la comédie musicale surréaliste et mélancolique.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en avril 2005

© Gilles Penso

 

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