ALIEN – LE 8ème PASSAGER (1979)

En transposant dans l'espace les codes du film de maison hantée, Ridley Scott réalise la fusion parfaite entre l'horreur et la science-fiction

ALIEN

1979 – USA / GB

Réalisé par Réalisateur

Avec Tom Skeritt, Sigourney Weaver, Veronica Cartwright, Harry Dean Stanton, John Hurt, Ian Holm, Yaphet Kotto, Bolaji Badejo

THEMA EXTRA-TERRESTRES I FUTUR I SAGA ALIEN

Après des débuts très remarqués dans le film publicitaire, Ridley Scott signe en 1977 son premier long-métrage. Alors que George Lucas réalise La Guerre des étoiles et Steven Spielberg Rencontres du troisième type, il opte pour un sujet plus « terrien », centré sur deux personnalités fortes. Keith Carradine et Harvey Keitel incarnent ainsi les héros titres de Les Duellistes, un remarquable exercice de style « en costumes » qui permet au jeune cinéaste de prendre ses marques et d’imposer déjà un style très marqué. A peine deux ans plus tard, il s’embarque à bord du Nostromo pour signer Alien. Prévu pour être initialement réalisé par Walter Hill, Alien sera un classique immédiat, tant pour les aficionados de science-fiction que pour le public le plus large, chacun y trouvant un terrain d’identification et un exutoire à ses terreurs les plus enfouies. En ce sens, on pourrait presque considérer le film comme une version spatiale des Dents de la mer. Les extra-terrestres agressifs et les voyages dans l’espace sont certes loin d’être des sujets révolutionnaires en 1979, mais le traitement d’Alien propose une approche renouvelée, loin des archétypes du space-opéra à l’ancienne popularisés deux ans plus tôt par Star Wars. Banalisation, obscurité, saleté, « héros » très conventionnels sont les composantes d’Alien, servis par une photographie très sombre de Derek Van Lindt et des plans en caméra portée que cadre Ridley Scott lui-même. Une fois ce contexte hyperréaliste mis en place, le film entre de plain-pied dans l’épouvante qui, dès lors, prend amplement le dessus sur la science-fiction.

Le vaisseau spatial agit presque comme une maison hantée, et la « bête » comme un démon ou une créature maléfique surgie tout droit des enfers. De toute évidence, c’est moins le monstre (incarné par un Bolaji Badejo de plus de deux mètres de haut) que l’homme qui attire Ridley Scott, le premier n’étant que le révélateur du second. Le vernis craque peu à peu, les personnalités s’affirment, jusqu’à la nature inattendue de certains passagers, tels l’androïde Ash que chacun considérait jusqu’alors comme un être humain. Tandis que le scénario de Dan O’Bannon recycle habilement des influences composites, notamment La Planète des vampires de Mario Bava, It the Terror From Beyond Space d’Edward L. Cahn et l’incontournable 2001 l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick,, le réalisateur se délecte à ponctuer ce récit référentiel d’indices psychanalytiques. Ainsi l’ordinateur de bord répond-il au nom de « maman », le titanesque canon fossilisé a-t-il une forme explicitement phallique, les œufs extra-terrestres sont-ils dotés d’ouvertures vaginales…

Un casting solide et réaliste

La mise en scène exemplaire de Ridley Scott, esthète accompli déjà au sommet de son art, se double d’une direction artistique « biomécanique » fort originale signée H.R. Giger, d’effets spéciaux extrêmement crédibles, et d’une brochette de comédiens excellant dans la sobriété. « Je crois qu’un casting solide est la clé de la réussite », nous confiait Scott. « Le plus gros travail consiste donc à trouver les bons acteurs et à les réunir. A ce titre, je suis très fier d’avoir découvert Sigourney Weaver pour Alien. Je suis un réalisateur qui parle peu à ses acteurs. Ma direction est très minimaliste. Lorsque je sais que je suis en affinité avec mes comédiens, je n’ai pas à les diriger, mais plutôt à les libérer, les relâcher pour qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes ». (1) De fait, une grande partie des dialogues du film sont improvisés pendant le tournage, renforçant le sentiment de vérisme souhaité par le réalisateur. D’autant qu’à l’époque, Sigourney Weaver, John Hurt et Harry Dean Stanton sont inconnus du public. « Je n’avais pas prévu de faire de la science-fiction », nous racontait Sigourney Weaver. « Mais j’ai découvert que transporter les spectateurs dans d’autres univers était une expérience extraordinaire. Alien m’a ouvert de nombreuses portes et m’a permis de faire décoller ma carrière. Du coup, j’ai pu varier les plaisirs et revenir régulièrement au genre fantastique. » (2) L’iconisation du personnage d’Helen Ripley est d’autant plus intéressant que le personnage, dans les premières versions du scénario, est un homme. Alien sera le point de départ d’une saga chère au cœur des fantasticophiles, lesquels auront vu se confirmer les talents de James Cameron, David Fincher et Jean-Pierre Jeunet. Ridley Scott, quant à lui, aura entre temps apporté au cinéma de science-fiction un second joyau inestimable : Blade Runner. 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en avril 2005

(2) Propos recueillis par votre serviteur en décembre 2009

© Gilles Penso

 

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