LES FILS DE L’HOMME (2006)

Une fable futuriste pétrifiante de réalisme dans laquelle le trésor le plus précieux semble être la dernière femme fertile

CHILDREN OF MEN

2006 – GB / USA

Réalisé par Alfonso Cuaron

Avec Clive Owen, Julianne Moore, Michael Caine, Chiwetel Ejiofor, Clare-Hope Ashitey, Pam Ferris, Danny Huston, Peter Mullan

THEMA FUTUR

Alfonso Cuaron avait créé la surprise en réalisant l’épisode le plus stylisé de la saga Harry Potter. Le savoir aux commandes d’un film d’anticipation avait donc de quoi titiller notre curiosité, et le résultat est à la hauteur de toutes les attentes. Adaptant la nouvelle homonyme de P.D. James publiée en 1993, qui semble elle-même puiser des éléments d’inspiration dans le roman « Barbe-Grise » de Brian Adliss, Les Fils de l’homme évoque moult fleurons du genre, de Soleil vert à New York 1997 en passant par Blade RunnerMad Max et même 2019, après la chute de New York. Pour autant, le film de Cuaron n’a rien du patchwork référentiel. Nous sommes à Londres en 2027, dans un futur qui ressemble étrangement à notre présent, à quelques exceptions près. Car une catastrophe insidieuse et imprévisible a frappé l’humanité : aucune femme n’est tombée enceinte depuis dix-huit ans. Cette stérilité généralisée annonce à terme l’extinction de la race humaine, ce qui explique en partie le chaos dans lequel le monde est tombé. Suite à de multiples actions terroristes, les plus grands pays ont été dévastés, voire rayés de la carte, et seule la Grande-Bretagne semble encore résister. D’où un flot incontrôlable d’immigrants irréguliers, parqués dans des cages ou dans des camps insalubres, et la mise en place d’un état policier frôlant le totalitarisme.

C’est dans ce contexte pour le moins pessimiste que se débat l’employé ministériel Theo Faron, qu’incarne avec beaucoup de conviction Clive Owen. Taciturne, il s’offre quelques escapades dans la maison de campagne de son vieil ami Jasper, un hippie sur le retour interprété par le savoureux Michael Caine. Au retour d’un de ces « bols d’air », Theo est kidnappé par un groupe extrémiste dirigé par Julianne Taylor, son ancienne campagne (la toujours magnifique Julianne Moore). Celle-ci lui offre de l’argent contre un service : aider une jeune femme prénommée Kee (Clare-Hope Ashitey) à passer la frontière. Theo accepte de mauvaise grâce, mais lorsqu’il découvre que Kee est enceinte, il réalise les énormes enjeux de sa mission…

Des plans-séquence vertigineux

Ce qui frappe dans Les Fils de l’homme, au-delà de ses comédiens extraordinaires et de son univers claustrophobique, ce sont les choix de mise en scène de Cuaron. Rejetant l’image léchée, préférant le format 1.85 au Cinemascope, optant pour des mouvements de caméra accidentés, des lumières crues et des effets spéciaux discrets, le cinéaste emprunte souvent ses effets de style au reportage. La crédibilité du récit s’en trouve indiscutablement renforcée. Du coup, les scènes d’action s’avèrent brutales, plausibles et terriblement immergentes pour le spectateur. A ce titre, on n’est pas près d’oublier l’incroyable séquence d’attaque de la voiture conçue en plan-séquence (les effets numériques permettant l’enchaînement invisible de six prises distinctes) ou la longue fusillade finale dans les rues dévastées, tournée caméra à l’épaule et héritée de Full Metal Jacket, Il faut sauver le soldat Ryan et La Chute du faucon noir. C’est donc dans un climat de tension et d’inconfort permanent que se déroule cette œuvre atypique dont l’impact perdure longtemps au-delà de son visionnage.

© Gilles Penso

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