THE LORDS OF SALEM (2012)

Rob Zombie prend son public à revers en s'intéressant au fameux procès des sorcières de Salem dans une atmosphère lourde et oppressante

THE LORDS OF SALEM

2012 – USA

Réalisé par Rob Zombie

Avec Sheri Moon Zombie, Bruce Davison, Jeff Daniel Philips, Judy Geeson, Meg Foster, Patricia Quinn, Ken Foree, Dee Wallace

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Le cas Zombie est des plus originaux. Musicien de métal fan de film de genre, propulsé nouveau pape des réalisateurs horrifiques grâce à son premier effort à la frénésie bariolée, La maison des 1000 morts, et surtout par la bombe The Devil’s Rejects, qui lorgnait déjà plus vers le western à la Peckinpah et le naturalisme cru des 70’s, l’ami Rob a rapidement déchanté. Phagocyté par Universal d’abord puis par les frères Weinstein sur ses deux réactualisations d’Halloween, le mercenaire chevelu décide de revenir à un budget moindre, abandonnant ses projets en cours, un remake du Blob et le film de boxe Tyrannosaurus Rex. S’inspirant du fameux procès des sorcières de Salem du XVIIe siècle, The Lords of Salem prend son public potentiel à contrepied. Exit les débordements gore et choquants, le montage cut et le rythme soutenu : à l’image des deux superbes morceaux du Velvet Underground de sa B.O., le film fait le choix culotté du lancinant, de l’ambiant, de l’oblique. Pour le meilleur et pour le pire.

Rien n’est vraiment attendu. Les influences affichées ne sont pas dans l’air du temps, Zombie citant allègrement le Ken Russell du Repaire du Ver Blanc, le John Carpenter de Fog et Prince des ténèbres, le Polanski de Rosemary’s Baby et du Locataire, la Hammer des Vierges de Satan… Le ton est grave, une forme d’inéluctabilité et de désespoir enveloppant doucement le métrage, montant crescendo jusqu’à un final halluciné et élégiaque. La surprise majeure vient du soin apporté aux scènes intimistes (qu’on pouvait entrevoir dans The Devil’s Rejects), le récit s’attardant avec sensibilité sur le couple avorté formé par l’héroïne et son collègue timide et protecteur. Le fan de frissons lambdas en sera pour ses frais : pas de jump scares faisandés, uniquement des visions furtives et des cauchemars psychédéliques à l’ancienne, portés par le score hypnotique de John 5 (ex Marilyn Manson et actuel guitariste de Rob), sachant se faire tour à tour mélancolique et inquiétant, épaulé par Mozart et Bach.

Une série B old school

Mais alors, où le bât blesse-t-il ? Premièrement au niveau scénaristique. Très étrangement, Zombie ne cherche jamais à transcender un postulat de départ rebattu, visiblement plus axé sur l’atmosphère, le sensitif et le visuel. Le récit se perd en intrigues secondaires (le personnage de Bruce Davison, malgré le charisme de l’acteur, paraît placé là artificiellement pour faire avancer l’intrigue), marquant le pas, manquant cruellement d’enjeux et ne trouvant pas d’aboutissement. Le film ne décolle donc jamais vraiment de son statut de série B old school, malgré ses élans lyriques. Ensuite, face aux séquences contemporaines très réussies, les inserts du passé de Salem font pâle figure, flirtant parfois avec le ridicule (un manque de moyens ?). Enfin, on se demande parfois si la pourtant douée Sheri Moon (que son mari, malgré tous ses efforts, ne parvient pas à enlaidir) est taillée pour tenir un rôle principal, quelque peu éclipsée par un très juste et touchant Jeff Daniel Phillips et une terrifiante Meg Foster (dont personne n’a pu oublier le regard perçant depuis Invasion Los Angeles). Rob Zombie pèche donc, au choix, par laxisme ou trop-plein d’ambition. Difficile cette fois de cerner ses véritables intentions, écartelé entre sa position de Messie du bis et d’auteur maudit, risquant de se perdre et de perdre son troupeau avec lui. Il reste que les sorties de route du bonhomme sont mille fois plus passionnantes que celles des autres.

 

© Julien Cassarino

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