UNE VIERGE CHEZ LES MORTS-VIVANTS (1973)

Aucun zombie ne vient hanter ce film de Jess Franco au titre trompeur, mais des spectres tapis dans les ténèbres d'un château inhabité

UNE VIERGE CHEZ LES MORTS-VIVANTS / CHRISTINA PRINCESSE DE L’ÉROTISME

1973 – FRANCE

Réalisé par Jess Franco

Avec Christina Von Blanc, Britt Nichols, Rosa Palomar, Anne Libert, Howard Vernon, Paul Muller, Jess Franco, Nicole Guettard

THEMA FANTÔMES

Une Vierge chez les morts vivants est l’un des films que Jess Franco préfère, et qu’il imagina suite à la lecture d’un poème espagnol dissertant sur la vie et la mort. Si le titre trompeur laisse imaginer une histoire de zombies, aucun cadavre ambulant n’y pointe pourtant le bout de son nez décomposé. Franco avoue d’ailleurs détester ce titre, tout comme sa seconde appellation officielle, Christina princesse de l’érotisme, qui fut utilisée lors de certaines exploitations en France pour renforcer le caractère olé-olé de cette œuvre finalement assez inoffensive. Les distributeurs n’hésitèrent pas non plus à remonter le film à leur guise, y incorporant des extraits du calamiteux Lac des morts-vivants bricolé par Jean Rollin. Débarrassé de ces oripeaux artificiels, Une Vierge chez les morts-vivants s’apprécie comme un conte fantastique tout entier centré sur le personnage de la jolie Christina Benson incarnée par Christina Von Blanc.

Quittant son collège londonien à l’annonce de la mort de son père, la jeune fille part rejoindre la famille qu’elle ne connaît pas dans un château perdu quelque part dans la campagne européenne. L’oncle Howard (Howard Vernon), la tante Abigail (Rosa Palomar), la cousine Carmencé (Britt Nichols) et le serviteur muet Basilio (Jess Franco himself) ont tous un comportement assez étrange. La nuit, étendue nue dans son lit (elle est tout de même censée être la « princesse de l’érotisme » !), Christina fait des cauchemars récurrents. Son père lui apparaît pendu dans la forêt, Carmencé s’ébat lascivement avec une jeune aveugle dont elle suce le sang, et elle-même se voit victime d’un sacrifice humain. Mais sont-ce des rêves ? Pourquoi tous les habitants de la région sont-ils persuadés que le château est inhabité depuis des années ? Et si cette « famille » était en réalité constituée de fantômes ? En déclarant « nous ne sommes pas faits pour avoir à nos côtés une fille vivante, fraîche et douce », l’oncle Howard semble corroborer cette inquiétante hypothèse.

Poésie macabre

Tourné entièrement au Portugal, Une Vierge chez les morts-vivants est émaillé de séquences poétiques que soutient une belle musique mélancolique de Bruno Nicolaï, notamment lorsque le défunt père de Christina est inexorablement emporté par la Reine des Ténèbres, puis glisse dans les bois, toujours accroché à sa corde de pendu. Le film n’est pas non plus dénué d’humour, comme en témoigne cette parodie de lecture de testament au cours de laquelle les propos du notaire sont parfaitement incompréhensibles. Mais la lenteur extrême du récit et sa confusion totale entraînent bien souvent l’ennui malgré sa courte durée (une heure quinze à peine). Et que dire de cette séquence absurde où Christina, découvrant au pied de son lit une sculpture de sexe masculin qu’elle envoie valdinguer, s’entend dire : « Il ne faut pas casser le Grand Phallus ! Maintenant, la malédiction est sur nous ! » ? La poésie macabre reprend le dessus lorsqu’Howard Vernon conclue le film avec solennité : « Ce n’est pas la mort qui a vaincu la vie, mais la vie qui mène toujours à la mort. Nous retournerons pour toujours sur les rives du Styx, errant dans les marais sans jamais atteindre l’autre rive. Que le destin s’accomplisse. » Mine de rien, voilà une belle définition de ce qu’est un fantôme.

© Gilles Penso

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