ENEMY (1985)

Une parabole du racisme et de l'absurdité de la guerre dans laquelle un Terrien et un extra-terrestre apprennent à fraterniser

ENEMY MINE

1985 – USA

Réalisé par Wolfgang Petersen

Avec Dennis Quaid, Louis Gossett Jr, Brion James, Richard Marcus, Carolyn McCormick, Bumper Robinson

THEMA FUTUR I SPACE OPERA I EXTRA-TERRESTRES

Enemy faillit bien ne jamais voir le jour. Contacté pour réaliser le film, Terry Gilliam déclina l’offre pour s’attaquer à son chef d’œuvre Brazil. Le suivant sur la liste fut Richard Loncraine, qui tourna la quasi-intégralité du métrage en Islande, mais qui fut finalement débarqué après un différend avec la production. Le projet aurait pu en rester là, mais Wolfgang Petersen reprit finalement les choses en main et recommença le tournage depuis le début. « Enemy a été conçu comme une sorte de remake futuriste du Duel dans le Pacifique de John Boorman », explique le réalisateur. « Ce n’est pas tant la science-fiction que les relations conflictuelles entre les deux antagonistes qui m’intéressaient. Enemy est avant tout une parabole sur le racisme. » (1) D’où un slogan qui en dit long : « Ennemis parce que c’est ce qu’on leur a inculqué. Alliés parce qu’ils y sont contraints. Frères parce qu’ils ont osé l’être. » Davidge est pilote de guerre. En cette fin de 21ème siècle, les combats se livrent dans l’espace contre les impitoyables Dracs, ennemis irréductibles de la race humaine. Au cours d’une bataille, l’engin de Davidge est abattu, mais le pilote a lui aussi atteint son adversaire. Tous deux s’échouent du coup sur une planète peuplée de monstres et criblée de météorites. L’affrontement continue au sol. Mais, peu à peu, la haine disparaît.

Le Terrien et le Drac apprennent à collaborer pour survivre. Le scénario évoque du même coup la nouvelle « Cooperate or Else » d’A.E. Van Vogt, dans laquelle un humain et un alien étaient contraints de s’entraider sur une planète hostile au beau milieu d’un conflit galactique. A peine sorti de L’Histoire sans Fin, Wolfgang Petersen insuffle à Enemy un charme rétro du plus bel effet, les vaisseaux spatiaux semblant tout droit sortis d’un Flash Gordon. Après une saisissante bataille spatiale concoctée par l’équipe d’ILM, la majeure partie du film se déroule sur une planète inhospitalière, filmée tour à tour sur l’île de Lanzarote (la même que Un Million d’Années Avant JC) et en studio à Bavaria, avec force peintures sur verre. Le maquillage Drac, dû à Chris Walas, est une belle réussite (malgré le raccord autour de la bouche parfaitement visible) et les créatures habitant la planète (des limules géants et des espèces de plantes carnivores) s’avèrent répulsives à souhait.

S'entraider pour survivre

Dennis Quaid (le Blanc jouant un Terrien) et Lou Gosset Jr (le Noir incarnant un Drac) sont quant à eux extraordinaires, et si le scénario s’avère prévisible en ce qui concerne le développement de leurs relations et l’effacement de leur inimitié, il sait malgré tout éviter les clichés avec habileté. Une idée supplémentaire porte la parabole sur un autre niveau : les Dracs sont hermaphrodites, contrairement aux humains qui se sont séparés en deux sexes (c’est en tout cas la théorie développée dans la mythologie grecque). Cela nous vaut une séance d’accouchement autant insolite qu’émouvante, ainsi que la révélation d’un joli bébé Drac. Comme d’autres œuvres phare avant lui, Enemy prouve que la science-fiction n’est jamais plus efficace que lorsqu’elle transpose dans son univers, via la métaphore, les problématiques du présent.

(1) Propos recueillis par votre serviteur en avril 1995.

© Gilles Penso

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