EQUILIBRIUM (2002)

Dans un monde futuriste où toute émotion est strictement interdite, un grain de sable va enrayer la machine…

EQUILIBRIUM

2002 – USA / ALLEMAGNE

Réalisé par Kurt Wimmer

Avec Christian Bale, Emily Watson, Taye Diggs, Angus MacFadyen, Sean Bean, Matthew Harbour, William Fichtner, Sean Pertwee

THEMA FUTUR

De prime abord, Equilibrium a les allures d’un vulgaire succédané de Matrix. Mais en réalité, à l’exception des grands manteaux noirs de ses héros et de quelques fusillades superbement chorégraphiées, le premier long-métrage de Kurt Wimmer n’a pas grand-chose à voir avec la trilogie des frères Wachowski, et s’apparenterait plutôt à une relecture de Fahrenheit 451 dont il reprend de nombreuses composantes. Suite à une troisième guerre mondiale, les gouvernements ont décrété que les sentiments étaient la cause de tous les maux. Nous vivons donc désormais dans un état policier où les émotions sont endiguées et proscrites. Grâce à une drogue spécialement mise au point, le prozium, les citoyens se comportent comme des robots productifs et efficaces. Tout ce qui pourrait s’avérer « émotionnellement contaminant », notamment les romans et les œuvres d’art, est brûlé sous les lance-flammes. D’où une évidente filiation avec Ray Bradbury. Equilibrium puise aussi une part de son inspiration chez George Orwell, le fameux « Big Brother » étant ici remplacé par un « Père » tout puissant qui veille sur le bien être de ses sujets. Cette société totalitaire et rétro-futuriste, dont les hauts buildings sont survolés par d’immenses ballons dirigeables, incite à la délation, envoie à l’incinérateur tous les contrevenants (ici nommés « transgresseurs ») et se pare d’un logo en forme de croix de Lorraine pas très éloignée d’un svastika. 

Les ecclésiastes « Tetragrammaton », une section d’élite entraînée au combat sous toutes ses formes, sont chargés de veiller à l’absorption du prozium et au respect des règles. John Preston est l’un d’entre eux, et c’est Christian Bale, excellent comme à son habitude, qui lui prête ses traits. Par le passé, son épouse a été exécutée pour transgression, ce qui l’a laissé parfaitement indifférent. Désormais, il vit avec ses deux enfants et accomplit son travail comme un parfait automate. Mais un jour, après avoir brisé par mégarde sa capsule de prozium, Preston se retrouve submergé par toute une gamme d’émotions qu’il n’avait jamais connues jusqu’alors. Poussé par la curiosité, il cesse de prendre sa drogue et finit par se ranger du côté des résistants terrés sous terre. Ces derniers lui demandent instamment d’infiltrer le domicile ultra-sécurisé du « Père » et de l’abattre afin de faire tomber la dictature.

Entre George Orwell et Ray Bradbury

Par les thématiques qu’il développe et les séquences de suspense dont il se pare régulièrement, Equilibrium s’avère passionnant d’un bout à l’autre. Et même si le film de Wimmer emprunte beaucoup de ses idées chez les classiques de l’anticipation littéraire et cinématographique (outre les références citées ci-dessus, on pense aussi à THX 1138L’Âge de Cristal et Blade Runner), il sait les recycler pour mieux s’en défaire, atteignant le but ultime que tout bon film de science-fiction devrait logiquement se fixer : refléter tel un miroir déformant les turpitudes du monde actuel et les extrapoler vers un monde parallèle dangereusement plausible. Comme d’ébouriffantes séquences d’action viennent en outre ponctuer le film, Equilibrium justifie d’autant plus son titre qu’il parvient à équilibrer le divertissement pur et dur et la satire sociale réflexive.

 

© Gilles Penso

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