DOMINION : PREQUEL TO THE EXORCIST (2005)

Un film maudit, réalisé par Paul Schrader pour s'intégrer dans la franchise L'Exorciste et finalement refait de A à Z par Renny Harlin à la demande du studio Warner

DOMINION : PREQUEL TO THE EXORCIST

2005 – USA

Réalisé par Paul Schrader

Avec Stellan Skarsgard, Gabriel Mann, Clara Bellar, Billy Crawford, Ralph Brown, Israel Aduramo, Andrew French

THEMA DIABLE ET DEMONS I SAGA L’EXORCISTE

C’est en 2002 que naît chez Warner la volonté de doter L’Exorciste d’une préquelle. Baptisé dans un premier temps Exorcist : Dominion, le projet fut confié au réalisateur John Frankenheimer. Ce dernier avait déjà succédé à William Friedkin en dirigeant la suite de French Connection, mais il décéda avant de pouvoir se lancer dans cette aventure. La production se tourna alors vers Paul Schrader, dont les titres de gloire étaient les scénarios de Taxi Driver, Raging Bull ou La Dernière Tentation du Christ pour Martin Scorsese, ainsi que la réalisation du remake de La Féline en 1982. Schrader prit cette préquelle à bras le corps et s’acquitta de sa tache du mieux qu’il put, mais il fut finalement éjecté du projet en 2003 lorsque ses images et son montage parvinrent aux patrons de Warner. Schrader termina malgré tout sa propre version qu’il rebaptisa Dominion : Prequel to the Exorcist et qui fut projetée de manière confidentielle dans quelques festivals, tandis que Renny Harlin fut chargé de tout reprendre à zéro pour mettre sur pied ce qui deviendra L’Exorciste : au commencement. Nous voici donc dans un cas de figure très particulier où deux cinéastes aux sensibilités et aux styles radicalement opposés s’emparent du même sujet et du même casting pour livrer deux œuvres aussi différentes que possible. 

Dominion n’est pas une version alternative de L’Exorciste : au commencement mais bel et bien un film à part entière. Dès l’entame, qui place le père Merrin face à un choix moral impossible au cœur de la barbarie nazie, Schrader affirme sa volonté d’aborder le sujet sous un angle psychologique et réaliste, loin des archétypes habituels du cinéma d’horreur. La perte de foi d’un homme d’église, thématique au cœur du récit de Dominion, est un sujet qui touchait particulièrement Paul Schrader, lequel fut élevé selon les sévères préceptes religieux de la communauté calviniste du Michigan et envisagea même un temps de devenir pasteur. « Pour un scénariste, vous devez d’abord examiner et accepter d’affronter vos problèmes personnels les plus difficiles, il s’agit d’un commerce de linge sale », affirmait d’ailleurs le cinéaste lors d’un entretien avec Declan McGrath et Felim MacDermott. Cette implication personnelle suffit amplement à rendre Dominion plus intéressant que L’Exorciste : au commencement.

Une préquelle exotique et quasi-expérimentale

Mais le film n’est pas pour autant palpitant, et l’on comprend sans mal la déconvenue des cadres de la Warner face à un résultat aussi peu commercial. Par bien des aspects, cette préquelle évoque d’ailleurs  Exorciste 2 : L’Hérétique de John Boorman. Le refus de se soumettre aux lieux communs du film de possession édictés par L’Exorciste, la relocalisation de l’intrigue dans une Afrique exotique propice à l’affrontement entre paganisme et christianisme, et même une patine « années 80 » (dans la photographie, la musique, les effets visuels) rapprochent en effet les travaux quasi-expérimentaux de Schrader et Boorman. Et à l’instar de L’Hérétique, ce « grand film malade », pour reprendre l’expression de François Truffaut, n’aura jamais rencontré son public, faisant presque office de digression anachronique au sein de la saga consacrée à L’Exorciste.

 

© Gilles Penso

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