LE BAL DES VAMPIRES (1967)

Entre deux œuvres tourmentées, Roman Polanski s'offre un éclat de rire en parodiant les films d'épouvante gothique de l'époque

THE FEARLESS VAMPIRE KILLERS / DANCE OF THE VAMPIRES

1967 – GB / USA

Réalisé par Roman Polanski

Avec Roman Polanski, Sharon Tate, Jack MacGowran, Alfie Bass, Jessie Robbins, Ferdy Mayne, Iain Quarrier, Terry Downes

THEMA VAMPIRES

Le Bal des Vampires ressemble à un OVNI au milieu de la filmographie de Roman Polanski, et l’on pouvait légitimement se demander, à l’époque, ce que cette farce débridée venait bien faire entre Cul de Sac et Rosemary’s Baby. L’explication est pourtant simple : le réalisateur avait envie de se détendre et de s’offrir quelques éclats de rire entre deux œuvres tourmentées. Sans doute est-ce l’une des raisons qui l’on poussées à tenir lui-même le rôle du clown, autrement dit Alfred, assistant maladroit d’un vieux chasseur de vampires nommé Abronsius (Jack MacGowran). Tous deux débarquent dans une auberge d’Europe Centrale, au milieu du 19ème siècle, afin de mettre la main sur le redoutable compte Von Krolock (Ferdy Mayne). Ils apprennent bien vite que tout le village a la morsure facile.

Flanqué de son fidèle scénariste Gérard Brach, Polanski s’essaie ainsi à l’exercice de la comédie fantastique sans chercher particulièrement à pasticher les grands classiques, même si l’ombre des productions Hammer plane inévitablement sur le film, notamment Le Baiser du Vampire de Don Sharp duquel provient l’idée du grand bal. Si l’hilarité n’est pas toujours au rendez-vous et si le rythme s’essouffle par moments, Le Bal des Vampires est une œuvre sincère et éminemment rafraîchissante, sans doute parce que Polanski refuse de dépeindre ses vampires comme de simples monstres définis uniquement par leur voracité et leur soif d’hémoglobine.

« Pourquoi un Juif craindrait-il la croix ? »

Se prenant d’affection pour eux, il crée au sein même de leur caste des minorités et en tire des gags surprenants. Notamment un vampire blond homosexuel (visiblement inspiré par le comte Meinster des Maîtresses de Dracula), fils efféminé de Krolock, qui courtise le malheureux Alfred au cours d’une séquence mémorable empreinte de slapstick, ou un vampire juif insensible à la présence du crucifix. Cet effet comique inattendu nous renvoie directement à Richard Matheson qui, dans « Je suis une légende », posait pragmatiquement la question : « pourquoi un Juif craindrait-il la croix ? » Mais le gag le plus réussi du film est peut-être celui du miroir dans lequel, parmi tous les invités du bal, se reflètent uniquement les trois héros, lesquels espéraient passer inaperçus dans la foule. Le cinéaste s’amuse ainsi à détourner une fois de plus les codes habituels du genre, le miroir ne servant pas ici à démasquer les vampires mais à repérer les humains. Même le dénouement se soustrait aux clichés habituels pour contourner le happy end traditionnel. Paré d’un casting idéal (dont la délicieuse Sharon Tate, à laquelle Polanski préférait initialement Jill St John, et qui hélas allait périr assassinée deux ans plus tard), Le Bal des Vampires se bonifie en vieillissant, tirant une partie de son charme d’un humour parfois amer et désenchanté, loin des parodies millimétrées d’un Mel Brooks ou d’un Jerry Lewis. Précisions que le titre original complet du film, digne des Monty Pythons, est The Fearless Vampire Killers or Pardon Me, But Your Teeth Are In My Neck, autrement dit « Les tueurs de vampires sans peur, ou excusez-moi mais vos dents sont dans mon cou » !

 

© Gilles Penso

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