PANIC SUR FLORIDA BEACH (1993)

La projection imminente d'un film de science-fiction avec une fourmi géante et la menace d'un conflit nucléaire bien réel s'entremêlent dans l'esprit d'un adolescent des années 60

MATINEE

1993 – USA

Réalisé par Joe Dante

Avec John Goodman, Simon Fenton, Jesse Lee, Lucinda Jenney, Robert Picardo, Dick Miller, Kevin McCarthy

THEMA CINEMA ET TELEVISION I INSECTES ET INVERTEBRES

Panic sur Florida Beach est à ce jour le film le plus personnel de Joe Dante, tant il regorge d’éléments autobiographiques. Nous sommes en septembre 1962. Gene et Dennis Loomis, fils d’un militaire en manœuvres près de Cuba, viennent d’emménager avec leur mère dans la ville de Key West, en Floride. Ils passent leurs samedis après-midi dans le cinéma local qui annonce avec fracas la sortie prochaine de « Mant ! », un film de monstre réalisé par le spécialiste du genre Lawrence Woolsey. Ce dernier viendra d’ailleurs en personne présenter le film à Key West, dans le cadre d’une tournée promotionnelle spectaculaire consistant à truffer les salles de cinéma de gadgets sophistiqués. Tandis que Gene et ses amis attendent avec impatience cet événement, les nouvelles internationales sont de plus en plus alarmantes. La crise des missiles de Cuba fait craindre une troisième guerre mondiale imminente et fait peu à peu craquer le vernis chez une population désemparée. La peur réelle du conflit nucléaire et la peur fantasmée des films d’horreur se mélange ainsi dans la tête du jeune héros qui n’est autre que l’alter-ego adolescent de Joe Dante.

Dans le rôle de Lawrence Woolsey, mixage contre-nature de William Castle et Alfred Hitchcock, John Goodman est délectable. Lorsque « Mant ! » est projeté sur les écrans, Joe Dante nous régale en réalisant un faux film de science-fiction des années 50/60 tellement fidèle aux canons esthétiques de l’époque qu’il est criant de vérité – si ce n’est un second degré inévitable et des effets spéciaux un peu plus élaborés qu’habituellement. Le but du cinéaste n’est pas de se moquer de ces films qu’il chérit mais de leur rendre un hommage énamouré. « Mant » raconte donc l’histoire improbable d’un homme mordu par une fourmi au moment où son dentiste lui radiographiait les dents. Soumis ensemble aux radiations, les deux êtres fusionnent et deviennent l’homme-fourmi. Face à son épouse terrifiée et aux autorités, l’infortuné héros mute jusqu’à se transformer en fourmi géante qui sème la panique en ville. « Mant » commence donc comme La Mouche Noire pour s’achever à la manière de Tarantula, Joe Dante se prêtant tellement au jeu qu’il réalise un quart d’heure de ce faux film (dont seules quelques minutes apparaissent dans Panic sur Florida Beach).

Le monstre attaque la ville…

La mise en abîme se double d’un vaudeville mouvementé lorsqu’un jeune homme déguisé en homme-fourmi, embauché par Woolsey pour effrayer le public dans le cinéma, kidnappe dans la salle la fille dont il est amoureux, décuplant la panique ambiante. Mais l’humour de ce film d’une sincérité absolue se tempère lorsque Joe Dante nous fait vivre avec beaucoup de réalisme la peur au ventre qui étreignait les citoyens américains notamment lors des exercices d’évacuations en pleine école, au son strident des sirènes. Panic sur Florida Beach n’attira hélas pas beaucoup les foules, d’autant qu’il sortit le week-end du Super Bowl, date où les spectateurs désertent généralement les salles. Encore un rendez-vous manqué entre Joe Dante et son public…

 

© Gilles Penso

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