LA CHUTE DE LA MAISON USHER (1960)

La première d'une série de somptueuses adaptations des écrits d'Edgar Poe par Roger Corman

THE FALL OF THE HOUSE OF USHER

1960 – USA

Réalisé par Roger Corman

Avec Vincent Price, Mark Damon, Myrna Fahey, Harry Ellerbe, Eleanor LeFaber, Ruth Oklander, Geraldine Paulette

THEMA FANTÔMES I SAGA EDGAR POE PAR ROGER CORMAN

En 1960, Roger Corman avait déjà réalisé une bonne trentaine de longs-métrages, principalement des films de science-fiction bon marché peu susceptibles d’entrer dans les annales. Mais en trouvant une nouvelle source d’inspiration auprès d’Edgar Poe, il donna un second souffle à sa carrière et réalisa huit petits chefs d’œuvre du cinéma d’épouvante, souvent cités en référence par maints cinéastes du genre. Premier de la série, La Chute de la Maison Usher s’inspire de la nouvelle homonyme que Poe écrivit en 1857. L’écrivain américain n’ayant pas son pareil pour installer une atmosphère oppressante dès les premières phrases de ses récits, celui-ci ne déroge pas à la règle. Traduit par Charles Baudelaire, « La Chute de la Maison Usher » s’amorce ainsi : « Pendant toute une journée d’automne, journée fuligineuse, sombre et muette, où les nuages pesaient lourds et bas dans le ciel, j’avais traversé seul et à cheval une étendue de pays singulièrement lugubre, et enfin, comme les ombres du soir approchaient, je me trouvai en vue de la mélancolique Maison Usher. »

Soucieux de retranscrire l’ambiance sinistrement romantique de l’auteur, Corman fit bâtir plusieurs décors extrêmement stylisés, entièrement en studio, notamment un château et une forêt embrumée qui allaient être réutilisés dans pratiquement tous les autres films de la série. Rédigé par le très talentueux Richard Matheson, le scénario s’attache au personnage de Philip Winthrop, qui arrive à l’improviste dans la demeure des Usher afin de rendre visite à sa fiancée Madeline. Il est accueilli par Roderick, frère de Madeline et dernier d’une lignée vouée à la folie héréditaire. Madeline présente un état de santé précaire tandis que Roderick semble affecté d’une acuité démesurée de tous les sens. La maison elle-même est sujette à de violentes secousses et une inquiétante fissure court le long de la façade. Bientôt, Madeline succombe à son étrange maladie et vient rejoindre ses ancêtres dans le caveau familial. Mais est-elle vraiment morte ?

Madeline est-elle vraiment morte ?

Malgré son très petit budget, estimé à 750 000 dollars, La Chute de la Maison Usher n’a jamais l’air d’un film fauché, et s’avère autrement mieux maîtrisé que maintes productions antérieures de Roger Corman. La narration est plus ou moins fidèle à celle de la nouvelle initiale, mais le cinéaste s’est surtout attaché à en retranscrire l’ambiance pesante et mélancolique, qu’il a traduit non seulement par les magnifiques décors de Daniel Haller, mais aussi par la bande musicale triste et angoissante de Les Baxter, et surtout par le jeu habité de Vincent Price. Ce dernier est l’interprète idéal des obsessions et des phobies décrites par Poe, et malgré ses mémorables prestations précédentes dans d’autres œuvres du genre telles que L’Homme au Masque de Cire ou La Mouche Noire, c’est La Chute de la Maison Usher qui le fit définitivement accéder au statut de star incontournable du cinéma d’épouvante. Presque méconnaissable dans le rôle d’un Usher livide, glabre et les cheveux blancs tirés en arrière, il porte une bonne partie du film sur ses épaules et deviendra le héros récurrent de la majeure partie des autres épisodes du formidable cycle Roger Corman/Edgar Poe.

 

© Gilles Penso

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