THE WICKER MAN (2006)

Un remake à côté de la plaque du chef d'œuvre insolite de Robert Hardy, qui lance Nicolas Cage sur les traces d'un culte matriarcal

THE WICKER MAN

2006 – USA

Réalisé par Neil la Bute

Avec Nicolas Cage, Ellen Burstyn, Leelee Sobieski, Kate Beahan, Frances Conroy, Molly Parker, Diane Delano, Michael Wisman

THEMA DIEU, LES ANGES, LA BIBLE 

Vouloir se lancer dans un remake de The Wicker Man était à la base une idée saugrenue, à la limite de l’hérésie. Certes, on aurait pu tenir le même discours à propos de King KongMassacre à la Tronçonneuse ou Zombie, qui furent dotés de relectures plutôt honorables dans les années 2000. Mais The Wicker Man est un cas vraiment à part, un OVNI profondément ancré dans les mentalités des années 70, abordant ouvertement les tabous liés au sexe et à la religion, refusant obstinément d’entrer dans une case prédéfinie (on se perd encore aujourd’hui en conjectures quant à son appartenance à un genre spécifique). Alors comment réinterpréter un tel objet cinématographique trente-trois ans plus tard ? La réponse de Neil La Bute, à la fois réalisateur et scénariste de ce remake, est tristement prévisible. Son travail d’adaptation consiste en effet à ne conserver que la trame d’origine, à ôter à l’œuvre initiale toutes ses singularités et à transformer The Wicker Man en simple thriller porté par une tête d’affiche « bankable » (en l’occurrence Nicolas Cage). Ceux qui vénèrent le film de 1973 hurlent donc au sacrilège. Quant aux autres, ils découvrent avec perplexité une espèce de polar mystique bancal tellement peu abouti qu’il ne fut pas présenté à la presse avant sa sortie en salles, et qu’il atterrit directement dans les bacs DVD en Europe, sans passer par la case cinéma.

Cage reprend donc le rôle tenu à l’époque par Edward Woodward, le scénario l’ayant dépourvu de sa bigoterie excessive et de sa suffisance très britannique (désormais l’intrigue prend place en Amérique, forcément). Au lieu de ça, nous avons droit au sempiternel trauma du prologue. Officier de police, Edward Malus (oui, c’est son nom !) est en effet marqué par la mort d’une jeune mère et sa petite fille, pulvérisées par un poids lourd sur le bord d’une route. Or le voilà contacté par son ex-fiancée, aujourd’hui membre d’une communauté rurale installée sur une île privée, qui réclame son aide pour retrouver sa petite fille disparue. Les mœurs étranges des insulaires, organisés de manière matriarcale autour d’une figure féminine toute-puissante, laisse penser que la fillette fera l’objet d’un sacrifice rituel lors de la prochaine « fête des moissons ». Certes, Cage donne de sa personne et s’implique à fond dans son personnage, évitant tout cabotinage intempestif.

Une force dominante féminine

La restructuration de la communauté autour d’une force dominante féminine (les mâles sont tous ici relégués au rôle de manœuvres et de procréateurs) n’est par ailleurs pas inintéressante, évoquant la figure mythologique des Amazones et se référant avec insistance à la vie sociale des abeilles. Mais rien n’y fait, ce Wicker Man est un ratage indiscutable, passant complètement à côté de son sujet à force de vouloir obstinément le traiter au premier degré (ce qui est une absurdité quand on connaît l’œuvre originale). Même Angelo Badalamenti, si inspiré lorsqu’il compose pour David Lynch, Terry Gilliam ou Caro et Jeunet, se contente ici d’une partition anonyme, sans saveur ni odeur. Du coup, le climax sacrificiel n’a plus aucun sens et la petite scène bardée de clichés que Neil La Bute nous sert en guise d’épilogue parachève le massacre.

 

© Gilles Penso

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