ÇA (1990)

L'adaptation ambitieuse d'un des plus fameux romans de Stephen King sous forme d'un téléfilm de trois heures

IT

1990 – USA

Réalisé par Tommy Lee Wallace

Avec Dennis Christopher, Tim Curry, Olivia Hussey, Annette O’Toole, John Ritter, Richard Thomas, Harry Anderson

THEMA DIABLES ET DÉMONS I SAGA STEPHEN KING

Difficile tâche que d’adapter, “Ça“, un roman fleuve qui aura demandé à Stephen King quatre ans de travail acharné et dont l’épaisseur ne rebuta guère les lecteurs lors de sa sortie en 1986. Sous les atours de l’horreur surnaturelle, l’auteur évoque des travers très humains, notamment le racisme, l’homophobie et les violences faites aux femmes. C’est au scénariste Lawrence D. Cohen (Carrie) et au réalisateur Tommy Lee Wallace (Halloween 3) que revient la mission de transposer ce texte de plus de mille pages sous forme d’un téléfilm de trois heures. Les écueils d’une telle adaptation étaient légion. Comment rester fidèle à un livre aussi foisonnant ? D’autant que le format télévisé oblige à l’atténuation des passages les plus crus du roman et à une certaine édulcoration, sans compter les restrictions budgétaires empêchant l’emploi d’effets spéciaux haut de gamme. « Le roman de King est riche et épais, et mon respect pour le scénario de Lawrence D. Cohen a considérablement augmenté quand je me suis rendu compte du travail d’adaptation complexe auquel il s’était livré », nous raconte Tommy Lee Wallace. « Son scénario pour la seconde partie fonctionnait moins bien et nécessitait beaucoup de révision pour être fidèle à l’histoire telle que le roman la racontait – ce qui explique la présence de mon nom en tant qu’auteur au générique de la seconde partie. Larry n’avait pas la possibilité de venir à Vancouver pour travailler avec moi sur l’écriture, donc en tant que réalisateur, je me suis tourné vers la solution la plus pratique et la plus abordable : m’engager moi-même ! » (1)

 

Pour rendre l’adaptation viable, les deux hommes sont obligés de passer sous silence les passages les plus gore, les plus explicitement sexuels et les plus mystico-psychédéliques du roman. La réussite de Ça n’en est que plus remarquable. Adaptation oblige, le scénario reconstruit, raccourcit, mixe, inverse et invente des événements et des situations pour pouvoir fonctionner sur une durée limitée. Du coup, les événements s’enchaînent beaucoup plus vite que dans le livre et la profondeur des personnages et de leurs sentiments en souffre quelque peu. Le film parvient pourtant à rendre justice non seulement à la forme mais aussi à l’esprit du texte de King, resserrant même certains moments sans doute trop longs ou trop accessoires. Le nœud de l’intrigue reste le même, s’articulant autour d’une entité maléfique quitous les trente ans, revient jeter sa malédiction sur la ville de Derry et détruit ses enfants, sous les traits du clown Pennywise. 

Pennywise, le clown de l'enfer

Sobre mais très efficace, la mise en scène de Tommy Lee Wallace met en avant la performance des jeunes acteurs et du cabotin Tim Curry (Rocky Horror Picture ShowLegend) dans le rôle du clown maléfique. Chacune de ses apparitions est un choc, grâce au charisme indéniable du comédien aidé par les maquillages spéciaux de Bart J. Mixon. Le casting est justement l’un des points forts du film. Les enfants et leurs contreparties adultes, qui jouent un rôle clef dans la seconde partie du métrage, sont tous impeccables, restant fidèles à leurs modèles littéraires décrits par King. La scène des retrouvailles des anciens amis, qui ne s’étaient pas vus depuis près de trente ans, demeure d’ailleurs assez émouvante. « Nous avons choisi les adultes en premier, ce qui nous permettait de sélectionner les enfants en fonction d’eux », raconte le réalisateur. « Nous avons organisé des séances de répétition au cours desquelles les adultes et les enfants jouaient ensemble, ce qui permettait à chacun d’appréhender son personnage à l’âge de l’enfance et à l’âge adulte. Ils ont ainsi pu développer ensemble quelques tics de comportement, comme Stan qui tire sur son oreille ou le bégaiement de Bill. » (2) La réalisation de Wallace reflète par moments l’influence de John Carpenter auprès duquel il eut l’occasion de travailler (il fut le monteur de La Nuit des Masques et de Fog). Sa gestion de l’espace et du hors champ demeure remarquable, et son utilisation de la caméra mouvante autour des personnages donne parfois le vertige, notamment lors de la scène du repas dans le restaurant chinois. « Je sais que Stephen King a beaucoup apprécié le film », conclut Tommy Lee Wallace. « Comme moi, il aurait aimé des effets spéciaux plus performants et un meilleur budget, mais il nous a adressé de nombreux compliments, ce qui nous a fait chaud au cœur. » (3) Toujours aussi terrifiant malgré ses effets visuels un peu datés, le téléfilm de Tommy Lee Wallace est une indéniable réussite. Il sera retitré Il est revenu lors de ses diffusions en France.

 

(1), (2) et (3) Propos recueillis par votre serviteur en novembre 2016

 

© Gilles Penso

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