LADY FRANKENSTEIN (1971)

Cette version italienne du roman de Mary Shelley nous dévoile les intentions peu catholiques de la fille du docteur Frankenstein

LA FIGLIA DI FRANKENSTEIN

1971 – ITALIE

Réalisé par Mel Welles

Avec Joseph Cotten, Rosalba Neri, Paul Müller, Peter Whiteman, Mickey Hargitay, Herbert Fux

THEMA FRANKENSTEIN

En 1971, Mel Welles, qui jouait le rôle du vendeur de fleurs dans La Petite Boutique des Horreurs de Roger Corman, réalisait cette version décadente du thème de Frankenstein. Pourtant, tout commence sous un angle extrêmement classique. Le baron est d’ailleurs incarné par un acteur pour le moins prestigieux, puisqu’il s’agit de Joseph Cotten, qui eut l’honneur d’être dirigé par Orson Welles (Citizen Kane) et Alfred Hitchcock (L’Ombre d’un doute). Avec son assistant Charles Marshall (Paul Muller), il poursuit des expériences sur la réanimation. Son assistant émet bien quelques doutes, jugeant que ce qui concerne la vie et la mort devrait être laissé entre les mains de Dieu. Mais Frankenstein balaie ces scrupules d’un revers de main. « L’homme est Dieu » répond-il ainsi fièrement. Pour les besoins de leurs travaux, les deux hommes louent les services du sinistre Lynch (Herbert Fux), un pourvoyeur de cadavre qui parvient à leur fournir le corps robuste d’un condamné à mort. 

C’est le moment que choisit Tania, la fille de Frankenstein, incarnée par la toute belle Rosalba Neri, pour entrer en scène. Après avoir brillamment terminé ses études de chirurgie, elle regagne le château familial et s’intéresse de près aux activités de son père. Ce dernier préfère cependant la tenir à l’écart, malgré les protestations de la jeune fille, qui clame à qui veut l’entendre « je ne suis plus une enfant, je suis chirurgien ! ». Lorsque l’expérience commence, Mel Welles n’hésite pas à en faire trop : gros plans anatomiques, glougloutements de liquides dans les cornues, bande son surchargée de sonorités synthétiques angoissantes… La foudre frappe enfin le corps inanimé, le ramenant à la vie mais lui brûlant irrémédiablement le visage. Le monstre se redresse alors de toute sa hauteur et révèle des traits peu avenants : un crâne chauve hypertrophié, une figure à moitié déchiquetée et un œil protubérant qui sort bizarrement de son orbite. Aussitôt, « l’opéré » révèle ses instincts homicides en étouffant son créateur d’un câlin un peu trop expansif.

Nudité, horreur et décadence

Dès lors, Lady Frankenstein s’autorise toutes les démesures, incitant d’abord la majorité du casting féminin à se déshabiller intégralement. D’où une série de saynettes délicieusement gratuites où un couple copule en pleine nature, où la créature transporte une fille nue dans ses bras vigoureux avant de la jeter à l’eau (réminiscence du Frankenstein de 1931 ?), où une demoiselle peu pudique apparaît dans le lit de Lynch. Tania elle-même dévoile ses charmes en même temps que ses intentions inavouables. Elle compte en effet poursuivre les travaux de son défunt père et pousse le vieux Charles, amoureux transi, à laisser son cerveau à disposition pour qu’elle le greffe dans le corps jeune et beau d’un domestique attardé. Ce qui nous vaut un climax impensable où les deux créatures s’affrontent dans le château des Frankenstein. Tant d’excès posèrent les jalons d’autres œuvres outrancières comme Chair pour Frankenstein de Paul Morrisey. Les distributeurs français du film de Mel Welles, conscients du parfum de scandale potentiel, le sortirent d’ailleurs sous le titre très explicite de Lady Frankenstein, cette obsédée sexuelle.

 

© Gilles Penso

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