FLOWERS IN THE ATTIC (1987)

Un thriller d'épouvante trouble et malsain adapté d'un best-seller signé Virginia C. Andrews

FLOWERS IN THE ATTIC

1987 – USA

Réalisé par Jeffrey Bloom

Avec Louis Fletcher, Victoria Tennant, Kristy Swanson, Jeb Stuart Adams, Ben Ryan Ganger, Lindsay Parker, Marshall Colt

THEMA TUEURS

Signé Virginia C. Andrews, le premier volet de la saga des Dollanganger, “Fleurs Captives”, sort en 1979 et devient un best-seller (40 millions de copies vendues à ce jour dans le monde) : Corrine, face à la mort soudaine de son mari et à la ruine qui la frappe, décide d’emmener ses quatre enfants vivre dans la gigantesque demeure familiale. ll lui faudra renouer avec un père inflexible, qui l’avait froidement déshéritée suite à une fuite passionnée… Avec son oncle. Commence alors une lutte intestine entre la terrifiante grand-mère et les chères têtes blondes nées de cette union interdite. A l’aube des années 80, les teenagers plébiscitent ce cocktail irrévérencieux d’inceste et d’infanticide en opposition à une censure bien-pensante. Jeffrey Bloom, scénariste confirmé et réalisateur du bis culte La Plage sanglante, est contacté pour en écrire l’adaptation et la mettre en scène, exercice périlleux car les producteurs veulent un classement PG-13 pour ne pas s’aliéner le jeune public. Il tâche de contourner les aspects trop sulfureux de la relation entre Cathy et son frère aîné Chris (à l’origine, ce dernier la viole dans un accès de jalousie), transpose les faits des années 50 au jour présent (l’époque reste pourtant difficile à situer à l’image), modifie l’épilogue et réduit le rôle-clé du majordome.

Flowers In The Attic cultive un charme suranné, à l’encontre des productions de l’époque : la photographie vaporeuse et la partition enchanteresse de Christopher Young (préféré à Howard Shore) créent une véritable atmosphère de conte macabre. De la maison qui toise ses occupants à l’inquiétant valet mutique en passant par le garde-chasse émergeant de la brume, flanqué de menaçants molosses sortis tout droit du Chien des Baskerville, l’hommage aux productions de la Hammer est évident. Cependant le ton reste moderne et subversif, les irruptions de violence sadique évoquant les pulsions inavouables du Corrupteur de Michael Winner, notamment une séquence suggestive à la Mario Bava où Corrine reçoit le fouet sous l’œil inquisiteur de son père, dispensé par la maîtresse de maison. Louise Fletcher, inoubliable infirmière de Vol au-dessus d’un nid de coucou, incarne à merveille cette marâtre glaçante, entre la Folcoche de Vipère Au Poing et la gouvernante de Rebecca. Bloom choisira de n’effleurer que les prémisses des rapprochements tactiles entre Cathy et Chris (il coupera une scène de voyeurisme trop évidente), plus prudent que le Damiani d’Amityville 2, le possédé. Le fameux grenier du titre, symbole du dernier bastion de l’enfance menacée, devient littéralement le jardin secret (où les fleurs sont factices) de ces “Innocents”, fragiles bourgeons obligés de se cultiver eux-mêmes, en déficit d’air pur et de soleil. Cet aspect cruel du script amènera Bloom à enfoncer le clou gothique lors d’un dérangeant don de sang au cadet anémique dont l’appétit vorace n’a d’égal que la pâleur vampirique.

Œdipe Roi

Le réalisateur questionne également le spectateur sur la pureté inaltérable de sa figure matriarcale et l’impossibilité d’admettre qu’elle peut trahir sa propre progéniture, érigeant le personnage de Corrine en véritable monstre d’égoïsme. Les enfants auront tout de même droit à leur revanche, ruinant le mariage de l’infâme et parvenant à s’échapper, marqués à tout jamais par leur apprentissage précoce des vicissitudes de l’existence. Cet épilogue fut un gros sujet de discorde entre le réalisateur et le studio : dans le roman, la mère ne meurt pas. Effrayés par les résultats des projections-test, les producteurs désirent une vengeance fatale de la main-même des offensés et exigent un reshoot. Bloom refusant catégoriquement la proposition, un anonyme est engagé dans son dos et s’exécute, la mort dans l’âme. Perdu au beau milieu des franchises Vendredi 13 et autres FreddyFlowers In The Attic peina à trouver un public non-initié, séduisit moyennement la critique et dérouta les fans, déçus par la trahison faite au roman. En l’état, cette œuvre atypique aux allures de production Disney pervertie (on pense aux Yeux de la forêt), hybride déviant, poignant et poétique entre Barbara Cartland, les sœurs Brontë et Jack Ketchum avant l’heure, mérite une relecture avisée.

 

© Julien Cassarino

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