GHOSTLAND (2018)

Après la claque de Martyrs, Pascal Laugier se penche sur une horreur plus classique, à mi-chemin entre Stephen King et H.P. Lovecraft

GHOSTLAND

2018 – FRANCE / CANADA

Réalisé par Réalisateur

Avec Crystal Reed, Anastassia Philips, Emilia Jones, Taylor Hickson, Mylène Farmer, Adam Hurtig, Rob Archer, Kevin Power

THEMA TUEURS

Après Martyrs, il semblait impossible que Pascal Laugier repousse davantage les limites de l’horreur physique et psychologique. Son long-métrage précédent était radical, ultime, presque définitif. Le cinéaste fait donc machine arrière en partant cette fois-ci en quête d’une terreur plus « classique », plus en accord avec une culture populaire de l’épouvante établie depuis de longues décennies. Cette démarche est assumée dès les premières secondes du film, qui s’ouvre sur un hommage à l’écrivain H.P. Lovecraft puis laisse apparaître furtivement sur une route déserte nord-américaine un enfant qui semble échappé des Démons du Maïs. Plus tard apparaissent d’autres motifs familiers : la maison apparemment hantée, les vieilles poupées effrayantes, l’intrusion de psychopathes dégénérés, la lutte désespérée pour la survie… 

Pascal Laugier connaît ses classiques et cite volontiers ses sources. Mais sa personnalité reste singulière, son style est unique et son approche des personnages – toujours féminins, une constante – témoigne d’une
sensibilité à fleur de peau. L’une des idées les plus étonnantes du film est sans doute d’offrir l’un des rôles centraux à Mylène Farmer. Absente des écrans depuis Giorgino en 1994 (si l’on excepte son interprétation vocale de Sélénia dans la version française des trois Arthur de Luc Besson), la chanteuse entre avec un naturel désarmant dans la peau de Pauline Keller, mère de deux jeunes filles que tout semble opposer : Elizabeth (Emilia Jones), qui rêve de devenir écrivain, et Verra (Taylor Hickson) qui entre en opposition avec sa sœur en affichant un caractère ouvertement plus extraverti. Toutes trois investissent une grande maison isolée dont elles ont hérité d’une vieille tante excentrique. Les lieux ne sont pas particulièrement rassurants, la décoration étant saturée de personnages en bois et en porcelaine au sourire glacial et figé, et chacune sent bien qu’il va falloir un certain temps pour s’y accommoder. Mais dès la première nuit, deux meurtriers s’introduisent dans la maison et agressent les trois occupantes. Le cauchemar que s’apprêtent à vivre Pauline, Elizabeth et Verra va bouleverser leur vie à tout jamais…

Terreurs primaires

Si les prémisses de Ghostland cultivent un certain « académisme », l’intrigue prend bientôt une tournure inattendue qui altère drastiquement son cours et redéfinit le rôle de chacun(e). Ce coup de théâtre central est l’idée maîtresse du film, celle qui justifie à elle seule sa mise en chantier. Malgré son approche du genre « à l’ancienne », Pascal Laugier n’a rien perdu de son mordant. Les séquences de suspense, d’angoisse et d’horreur sont extrêmes, jusqu’au-boutistes et franchement éprouvantes. Comme les grands maîtres de l’épouvante transalpins qui lui servent souvent de référence – Dario Argento et Lucio Fulci en tête – le réalisateur se réapproprie l’imagerie du conte de fée pour la muer en vecteur de terreur primaire. L’ogre, la sorcière et la princesse sont donc au cœur du récit, mais aucun prince charmant ne se présente pour sauver la situation, qui ne pourra se dénouer que de l’intérieur, quitte à sacrifier quelques vies et beaucoup d’innocence.
 
© Gilles Penso

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