THEATRE OF DEATH (1967)

Un joyau méconnu du cinéma d'horreur britannique, avec un Christopher Lee en très grande forme

THEATRE OF DEATH

1967 – GB

Réalisé par Samuel Gallu

Avec Christopher Lee, Julian Glover, Leila Goldoni, Jenny Till, Evelyn Laye, Ivor Dean, Joseph Fürst, Betty Woolfe

THEMA TUEURS

 

Theatre of Death transpose sur grand écran les excès du grand-guignol, qui fleurissait avec succès sur certaines planches parisiennes du début du 20ème siècle. Exhalant une inquiétante beauté ténébreuse, Christopher Lee y incarne Philippe Darvas, un directeur de théâtre étrange, autoritaire et taciturne, qui mène sa troupe d’artistes et de techniciens à la baguette, et s’adonne en secret à de mystérieuses activités. Dans les
coulisses, il espionne son équipe à travers les yeux d’un portrait à son effigie, se confie à son chat, visionne des diapositive de vampires, de démons et de monstres (parmi lesquels l’amateur reconnaîtra une photo du Dr Jekyll et Mr Hyde de Rouben Mamoulian). Tel un fantôme de l’opéra, il hante les lieux jour et nuit, veillant sur ce vénérable théâtre qui lui fut légué par son père. 

Amoureux de Dani Gireaux (Lelia Goldoni), une des artistes engagées par Darvas, le policier Charles Marquis (Julian Glover) ne porte pas spécialement dans son cœur cet étrange dramaturge. Lorsqu’une enquête le mène sur la piste d’un assassin ayant occis puis vidées de leur sang trois victimes féminines, Charles se met à soupçonner le directeur du « théâtre de la mort ». En effet, l’arme utilisée pour s’adonner à ce « vampirisme » moderne ressemble comme deux gouttes d’eau à l’un des couteaux employés sur scène pour les spectacles
de Darvas. Truffé de rebondissements jusqu’à son twist final, Theatre of Death se distingue par une recherche esthétique permanente. Le directeur de la photographie Gilbert Taylor (qui œuvra pour Stanley Kubrick sur Docteur Folamour et Roman Polanski sur Cul de Sac, puis allait signer les images de Frenzy, La Malédiction, La Guerre des Etoiles ou encore le Dracula de John Badham) concocte à l’occasion de magnifiques tableaux en Cinémascope, nimbés d’un Technicolor flamboyant. L’ombre fragmente souvent les visages, ne laissant apparaître que les yeux, la bouche ou la silhouette des personnages, jusqu’à les muer en icônes, voire en abstractions. Et du coup, Theatre of Death démontre une parfaite adéquation entre son sujet et sa mise en forme. L’exubérance et la théâtralité du grand-guignol sortent des planches pour venir contaminer tout l’écran. 

Les excès du grand guignol jaillissent à l'écran

Au diapason, le réalisateur Samuel Gallu, venu de la télévision, apporte un soin tout particulier à la cohérence graphique du film, reconstituant le Paris de la belle époque dans les studios londoniens d’Elstree. Plusieurs jeux d’avant-plan, de composition ou de réorganisation de l’espace suite à des entrées ou des sorties de champ annoncent même bon nombre d’effets de style chers à Steven Spielberg. Il est d’ailleurs permis de se demander si le père d’E.T. ne s’est pas laissé influencer par Theatre of Death, au point d’embaucher l’acteur Julian Glover pour jouer le vilain d’Indiana Jones et la Dernière Croisade. Mais face à la caméra, c’est surtout Christopher Lee qui irradie l’écran. Même lorsqu’il n’occupe pas physiquement l’espace, sa présence est partout palpable, telle une menace énigmatique, à moins qu’il ne faille pas se fier aux apparences… Theatre of Death s’affirme donc comme un joyau du genre. Ce sera pourtant le seul coup d’éclat de Samuel Gallu.

© Gilles Penso

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