ROLLERBALL (2002)

Le remake du classique de Norman Jewison, réalisé dans la tourmente par un John McTiernan en totale perte de contrôle

ROLLERBALL

2002 – USA

Réalisé par John McTiernan

Avec Chris Klein, Jean Reno, LL Cool J, Rebecca Romijn-Stamos, Naveen Andrews

THEMA FUTUR I CINEMA ET TELEVISION

Pour la seconde fois consécutive, John McTiernan s’attaque au remake d’un classique de Norman Jewison. Mais si sa version de L’Affaire Thomas Crown se distinguait par son élégance et ses choix artistiques judicieux, on ne peut vraiment pas en dire autant du nouveau Rollerball. A mi-chemin entre l’anticipation et la politique-fiction, cette relecture de la nouvelle homonyme de William Harrison donne la vedette à Chris Klein dans le rôle de Jonathan Cross, champion du monde du jeu ultra-violent « Rollerball » retransmis par toutes les télévisions du globe. La scène d’intro nous a révélé la personnalité de ce jeune casse-cou trompe-la-mort, s’amusant à dévaler les rues bondées de San Francisco allongé sur un skate board, pour se faire photographier contre quelques centaines de dollars. Si ce prologue se distingue par son dynamisme, le premier match de « Rollerball », situé dans une arène édifiée au Kazakhstan, souffre d’un montage confus ne permettant ni de comprendre les règles du jeu, ni d’en apprécier l’extrême brutalité. Lorsqu’un des membres de l’équipe de Jonathan est grièvement blessé, le pic d’audience mondiale grimpe d’un coup. Or on découvre peu après que la lanière de son casque avait été coupée. Le jeu serait-il truqué ?  Le match suivant se déroule en Azerbaïdjan. Là, les organisateurs du jeu provoquent une bagarre générale, afin d’augmenter une fois de plus l’audience télévisuelle. « Argent rime avec sang » se contente de commenter Ridley (LL Cool J), le coach de Jonathan, conseillant à son champion de fermer les yeux et d’empocher son chèque. 

La thématique est donc moins ici la quête de l’individualisme que les dilemmes de l’incorruptibilité. C’est louable, d’autant que le film joue souvent sur le contraste entre la pauvreté des pays où sont bâties les arènes et l’abondance obscène des sommes d’argents investies dans chaque match. Mais le discours ne va pas bien loin et demeure très superficiel. On sent bien, ça et là, quelques salves contre la pub, la télé, les médias et le monde du sport, mais elles sont plus récréatives que virulentes, d’autant que la réalité a rattrapé depuis longtemps les prophéties du premier film. Nous sommes finalement plus proche de l’ambiance de Fast and Furious ou de Running Man que du Rollerball original, McTiernan reprenant souvent à son compte l’imagerie du jeu vidéo. 

« Oublions tous les mauvais souvenirs ! »

Avouons que le film souffre beaucoup de la prestation caricaturale de Jean Réno en patron véreux. Le final ne manque pas de suspense et de violence, sans parvenir à éviter le manichéisme primaire et le happy end béat inhérents à toute surperproduction de studio. Les multiples déconvenues du réalisateur (remontages interminables, tournages additionnels de dernière minute, date de sortie sans cesse repoussée) expliquent en grande partie ce fiasco qui aurait bien mérité un director’s cut. « Là d’où je viens, il existe un dicton qu’on pourrait qualifier d’Alzheimer Irlandais : “oublions tous les mauvais souvenirs !“. Donc je préfère aller de l’avant et ne pas chercher à remonter ce film » (1), explique avec humour un John McTiernan visiblement décidé à effacer ce Rollerball de sa mémoire – et de sa filmographie.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en janvier 2010.

 

© Gilles Penso

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