ROLLERBALL (1975)

Ces jeux du cirque transposés dans le futur prouvent que les instincts primaires de la nature humaine n'évoluent guère avec le temps

ROLLERBALL

1975 – USA

Réalisé par Norman Jewison

Avec James Caan, John Houseman, Maud Adams, John Beck, Moses Gunn, Pamela Hensley, Barbara Trantham

THEMA FUTUR

Réalisateur de films aussi dissemblables que Dans la chaleur de la nuit, L’Affaire Thomas Crown ou Un Violon sur le toit, Norman Jewison s’est attaqué au milieu des années 70 à une fable futuriste tirée d’un roman homonyme de William Harrison. Nous sommes à l’aube du vingt et unième siècle, en une ère prospère où la guerre et le crime ont été éradiqués. Le monde est désormais dirigé par de puissantes multinationales qui ont instauré un véritable retour des jeux du cirque pour canaliser la violence du peuple. Les gladiateurs ont été remplacés par des sportifs de haut niveau, s’entredéchirant sur les arènes du monde entier lors de chaque rencontre de « Rollerball ». Ultra-violent, ce sport barbare mixe le football américain, le motocross et le hockey. L’enjeu de chaque partie est une balle métallique que les joueurs doivent saisir pour marquer des points. Rollerball s’érige donc d’emblée en satire sociale tirant à boulets rouges sur le milieu du sport, de l’entreprise, de la politique, de la haute société, et dénonçant avant l’heure une mondialisation croissante.

Mais le film de Jewison s’apprécie aussi et surtout comme un farouche plaidoyer pour l’individualisme, une thématique récurrente des œuvres d’anticipations qui se concentre ici autour du personnage de Jonathan E, incarné avec toute la finesse qui se doit par un tout jeune James Caan pas encore popularisé par son rôle de Sonny Corleone dans Le Parrain. Jonathan est le champion de Rollerball de l’équipe de Houston, mais ses exploits l’ont popularisé aux quatre coins du monde, développant autour de lui un véritable culte de la personnalité. Cet état de fait n’est pas du goût des dirigeants du « consortium de l’énergie », organisateur mondial du Rollerball, et Jonathan subit d’insistantes pressions pour se retirer du jeu. Refusant cette retraite forcée, l’athlétique vedette comprend bientôt les enjeux qui se tissent autour de lui, lorsque son employeur lui déclare imperturbablement : « aucun sportif n’est plus grand que le sport lui-même ».

« Les privilèges nous démobilisent… »

Ainsi, non content de servir d’exutoire à la colère et la frustration du plus grand nombre, le « jeu » a surtout pour vocation de prouver l’inutilité de tout effort individuel. Or Jonathan est en train de démontrer le contraire aux yeux du public. « Les privilèges nous démobilisent » constate-t-il avec amertume, dans ce futur où le confort a été préféré à la liberté. Ponctué par de fulgurantes séquences de match dont la violence va crescendo, Rollerball se pare également de moments savoureusement vitriolés, notamment cette soirée mondaine dégoulinante d’hypocrisie qui s’achève au petit matin par un défouloir innommable : la mise à feu des arbres de la forêt pour le simple plaisir des yeux des dames de la belle société. Dommage que l’efficacité du discours soit amenuisée par la terrible froideur du film. Partant du principe que les personnages et leurs relations doivent être aussi glaciaux que l’univers dans lequel ils évoluent, Jewison prive les spectateurs d’un véritable facteur d’identification. Le climax de Rollerball se déroule au cours d’un affrontement Houston/New York qui tourne au massacre sanglant, et s’achève sur une image emblématique, celle de la victoire de l’individu sur le nombre, aux inoubliables accents de la Toccata de Bach.

 

© Gilles Penso

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