TERREUR A L’OPERA (1987)

Dario Argento déclare son amour à l'opéra en situant l'intrigue de ce film d'horreur grandiloquent dans le milieu du chant lyrique

OPERA

1987 – ITALIE

Réalisé par Dario Argento

Avec Cristina Marsillach, Ian Charleson, Urbano Barberini, Daria Nicolodi, Coralina Cataldi Tassoni

THEMA TUEURS I SAGA DARIO ARGENTO

L’Opéra vient souvent à l’esprit au fil des œuvres de Dario Argento. L’omniprésence de la musique, la grandiloquence de la mise en scène, le jeu outré des comédiens semblent parfois s’y référer directement. Ce n’est pas un hasard. « Je me souviens parfaitement du premier film d’épouvante que j’ai vu », nous raconte Argento. « C’était Le Fantôme de l’Opéra, la version en couleurs avec Claude Rains. J’étais très jeune et ce film m’a beaucoup impressionné. » (1) L’influence de Gaston Leroux, par l’entremise d’Arthur Lubin, est donc prégnante chez le réalisateur de Suspiria. Tôt ou tard, il fallait bien qu’il aborde le sujet frontalement. D’où Terreur à l’Opéra, qui prend pour héroïne une jeune chanteuse incarnée par Cristina Marsillach. Le jour où la vedette d’une adaptation du Macbeth de Verdi est renversée par une automobile, la chance s’offre à elle. Mais en prenant la place de la malheureuse, elle devient bientôt la cible d’un tueur psychopathe qui ravive des souvenirs cauchemardesques de son enfance. D’un point de vue stylistique, Terreur à l’Opéra s’inscrit pleinement dans la continuité des travaux précédents d’Argento. L’imagerie classique du giallo (tueur à la cagoule ganté de noir, victimes photogéniques, meurtres sanglants à l’arme blanche) se pare ainsi d’une inévitable surcharge baroque véhiculée par l’opéra lui-même, à la fois théâtre de l’action et composante essentielle de la bande son. 

Le goût du réalisateur pour les prises de vues insolites est une fois de plus mis en exergue, à travers ces alternances perturbantes  de plans larges et de plans serrés, ce très gros plan d’une balle qui glisse le long d’un canon de revolver, ou encore ces prises de vues quasi-chirurgicales à l’intérieur même du cerveau de l’assassin. « Ce type de plan résulte d’abord d’une quête d’originalité », explique Argento. « Il est toujours intéressant de chercher à déstabiliser le spectateur en plaçant la caméra là où il ne s’y attend pas. Ça crée un climat étrange et ça participe beaucoup à l’atmosphère inquiétante des séquences. Ensuite, c’est un peu comme si la caméra se substituait à une présence non humaine, à une entité capable de s’immiscer dans les recoins invisibles ou inaccessibles du monde. J’aime bien cette idée des points de vue impossibles. » (2) 

Un raffinement extrême dans l'horrible

En s’épaulant du directeur de la photographie Ronnie Taylor (Gandhi, Chorus Line, Cry Freedom), Argento bénéficie certes d’un technicien de haut niveau, mais il se prive hélas des lumières stylisées, des éclairages évocateurs, des couleurs symboliques qui noyaient Suspiria et Inferno dans une perpétuelle aura onirique. En revanche, les assassinats voient leur impact décuplé par un raffinement extrême dans l’horrible : l’héroïne, ligotée, bâillonnée, est ainsi obligée de les regarder, des aiguilles hérissées sous ses paupières l’empêchant de fermer les yeux. Ces scènes sont d’autant plus éprouvantes que le spectateur s’identifie à la malheureuse, évitant du même coup de cligner des yeux ! Le climax, pour sa part, mêle une attaque de corbeaux hitchcockienne à une révélation finale un tantinet décevante, dans la mesure où le coupable figurait parmi les premiers suspects du spectateur.

 

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en février 2011

 

© Gilles Penso

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