FIDO (2007)

Dans un monde parallèle qui se serait arrêté dans les années 50, les zombies sont devenus des compagnons fidèles…

FIDO

2007 – CANADA

Réalisé par Andrew Currie

Avec Carrie-Anne Moss, Billy Connolly, Dylan Baker, K’Sun Ray, henry Czerny, Tim Blake Nelson, Sonia Bennett, Jennifer Clement

THEMA ZOMBIES I POLITIQUE-FICTION 

Fido est une excellente surprise, dans la mesure où Andrew Currie se réapproprie le thème archi galvaudé du zombie pour l’inscrire dans un contexte uchronique particulièrement original. Dans cette Amérique parallèle, la seconde guerre mondiale a bel et bien eu lieu, mais elle opposait humains et morts-vivants. Un nuage stellaire de poussière radioactive déclencha en effet un effroyable appétit de chair humaine auprès d’une bonne partie de la population muée en horde de cadavres ambulants anthropophages. Le chaos ne s’interrompit que grâce à l’intervention de la multinationale ZomCom, qui mit au point un collier permettant de domestiquer les zombies. Aujourd’hui, toutes les familles respectables possèdent désormais leur zombie. Devenues jardiniers, livreurs de lait ou même animaux de compagnie, ces créatures sont parfaitement intégrées dans la société, et s’affichent même aux yeux de tous comme les signes extérieurs de richesse de leurs propriétaires. Pour le petit Timmy, la possession d’un zombie est l’occasion d’avoir un compagnon de jeu fidèle. Mais lorsque le collier de Fido (tel est son petit nom) tombe en panne, la panique s’apprête à envahir les lieux. 

D’emblée, Fido surprend par sa superbe reconstitutions des années cinquante, époque euphorique sous le vernis de laquelle transparaissent bien vite le racisme, le machisme et l’intolérance. Ainsi l’argument fantastique sert-il ici de miroir déformant de notre propre histoire, Currie prolongeant à sa manière la démarche politique de George Romero. Aux yeux du cinéaste, ces fifties en apparence paisibles offrent une correspondance troublante avec l’Amérique sécuritaire prônée par George Bush Jr au début des années 2000. Pour étayer son propos, il s’arme d’une direction artistique impeccable, tout – décors, costumes, lumières – étant ciselé avec minutie. Du côté des acteurs, rien à redire. Carie Anne Moss s’avère étonnante dans un registre à 180° par rapport à la saga Matrix qui la révéla, et Billy Connolly excelle dans l’exercice difficile du mort-vivant domestique, sous les remarquables maquillages spéciaux de l’atelier de Todd Masters. 

L'amour est-il le propre de l'homme vivant ?

Le concept de Fido témoigne d’un manifeste grain de folie, mais il est assumé jusqu’au bout et offre finalement au spectateur un récit extrêmement prenant, dont l’essence même repose sur une interrogation inédite : l’amour est-il le propre de l’homme – de l’homme vivant tout du moins ? En opposant ce sentiment pur, simple et naturel au régime quasi-totalitaire décrit dans son film, au sein duquel la peur est un outil idéal pour contrôler et maîtriser la population, Andrew Currie brasse des interrogations universelles et atemporelles, dépassant largement le cadre apparent d’une série B d’horreur et de science-fiction. Pour ne rien gâcher, le scénario co-écrit par Currie, Robert Chomiak et Dennis Heaton nous offre quelques répliques savoureuses, comme lorsque le père de Timmy, incarné par Bill Robinson, affirme : « Je pense être un très bon père. Mon père a essayé de me manger. Je ne me souviens pas avoir essayé de manger Timmy » ! Chouchou des festivals, Fido a remporté le Prix Spécial du Jury à Gérardmer, l’Audience Award au Londin Canadian Film festival et le VFCC Award au Vancouver Film Critics Circle.
 
© Gilles Penso

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