CROCODILE (2000)

25 ans après Le Crocodile de la Mort, Tobe Hooper braque à nouveau sa caméra sur un saurien particulièrement vorace

CROCODILE

2000 – USA

Réalisé par Tobe Hooper

Avec Mark McLachlan, Caitlin Martin, Chris Solari, D.W. Reiser, Julie Mintz, Sommer Knight, Rhett Wilkins, Greg Wayne

THEMA REPTILES ET VOLATILES

L’association du nom de Tobe Hooper avec le mot « crocodile » nous ramène illico en 1976, à l’époque du Crocodile de la Mort. Mais les amateurs du slasher glauque mettant en vedette Neville Brand, sa faux et son reptile glouton risquent fort de déchanter s’ils s’attendent aux mêmes déviances. Car Crocodile est un pur produit de consommation formaté pour le public adolescent, une production Nu Image, alors au sommet de son exploitation des monstres en tout genre. Quant à l’auteur de Massacre à la Tronçonneuse, principalement reconverti dans la série télévisée depuis le milieu des années 90, il accepte ici d’apporter à l’œuvrette un semblant de prestige en y apposant sa signature, tout en assurant le service minimum côté mise en scène.

Le film s’intéresse à un groupe de jeunes tellement stupides qu’on se demande s’il ne faut pas les considérer sous l’angle parodique. Partis faire du bateau sur un lac en plein été, ils éructent de joie au simple son du mot « bière », c’est dire ! Une belle collection de portraits improbables taillés à la serpe s’offre à nous : la nymphomane qui se fait lécher le ventre par les garçons, le beau gosse qui n’ose pas dire à sa douce qu’il l’a trompée, l’abruti qui vomit dans le bob des autres, la bourgeoise coincée qui ne quitte pas d’une semelle son gentil chienchien prénommé « Princesse ». Un soir, au coin du feu, l’un d’entre eux raconte une légende urbaine liée à l’importation par un hôtelier d’œufs d’une espèce de crocodiles particulièrement féroces, surnommés « les chiens du fleuve » par les Égyptiens de l’Antiquité, à l’époque où les Pharaons les chevauchaient sur le Nil pour partir sur le front (une belle image guerrière absente de nos manuels d’histoire). Or effectivement, un nid d’œufs reptiliens est mis à jour par des pêcheurs passablement éméchés, qui finissent bien vite entre les mâchoires d’un crocodile gros comme un camion.

« Montre-nous ta misérable face de monstre ! »

Si les images de synthèse signées Flat Earth sont assez maladroites, les marionnettes grandeur nature de l’atelier KNB s’avèrent raisonnablement efficaces et dynamisent avec bonheur toutes les séquences dans lesquelles elles interviennent. La première attaque de nos héros par le monstre et la destruction complète de leur bateau est à ce titre un beau morceau de bravoure. On croit reconnaître la patte de Tobe Hooper au détour de la visite de la ferme aux crocodiles Surkin, tenue par deux rednecks au visage vérolé et emplie de fœtus animaux et autres bizarreries nauséabondes, mais Crocodile demeure un divertissement sans grande ambition, que n’importe quel cinéaste un tant soit peu expérimenté aurait tout aussi bien pu emballer sans trop d’embarras. Les références habituelles pointent le bout de leur museau, notamment Les Dents de la Mer et « Moby Dick », les dialogues rasent les pâquerettes (« on aurait dit un moustique géant à quatre pattes », « montre-nous ta misérable face de monstre »), le climax est assez aberrant, mais l’ennui ne s’installe jamais grâce à l’absence de prétention de ce « monster movie » généreux qui nous en donne pour notre argent. Et que les amoureux des animaux se rassurent : « Princesse » finit le film en un seul morceau.
 
© Gilles Penso

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