LA BÊTE AUX CINQ DOIGTS (1946)

Peter Lorre affronte la main coupée d'un cadavre qui se déplace toute seule et commet des meurtres !

THE BEAST WITH FIVE FINGERS

1946 – USA

Réalisé par Robert Florey

Avec Peter Lorre, Robert Alda, Andrea King, Victor Francen, J. Carrol Naish, Charles Dingle, John Alvin, David Hoffman

THEMA MAINS VIVANTES

Adapté de la nouvelle homonyme de William F. Harvey, La Bête aux Cinq Doigts est en quelque sorte la référence en matière de film d’épouvante mettant en scène une main vivante, un mètre étalon au titre délicieusement surréaliste. Paralysé d’une main, le grand pianiste Francis Ingram est très amoureux de son infirmière Julie, elle-même convoitée par son ami Ryler. Mort brutalement, le musicien lègue sa fortune à Julie, mais le testament est contesté par Arlington, le beau-frère, et un notaire retors, Duprex, qui prient Hillary Cummings, le secrétaire du pianiste, de quitter les lieux. Un matin, on retrouve Duprex mort, étranglé par une main comparable à celle d’Ingram. Or la main valide du cadavre a été tranchée… 

L’exposition du film présente ainsi au spectateur d’une manière un peu détournée chacun des protagonistes du drame qui va se nouer. L’élément fantastique n’apparaît que tardivement, et le doute finit par planer quant à son existence véritable. La main coupée du défunt Ingram commet elle réellement des forfaits nocturnes, ou tout se passe-t-il dans la tête du secrétaire Cummings ? Il faudra attendre le dénouement pour en avoir le cœur net. Si le couple vedette Robert Alda & Andrea King ne crève pas vraiment l’écran, on ne peut pas en dire autant de Peter Lorre qui excelle dans son rôle ambigu et tourmenté, en particulier au cours de cette scène terrifiante où ses perceptions semblent décuplées (le feu crépite plus fort que la normale dans la cheminée, l’horloge tic-taque avec un bruit sourd, les cordes d’une guitare cassent l’une après l’autre, des effets visuels qui semblent directement influencés par La Chute de la Maison Usher réalisée en 1927 par Jean Epstein et Luis Buñuel). 

« Une main humaine rampait sur le parquet… »

A l’issue de cet enchaînement de phénomènes insolites apparaît finalement la main coupée et vivante qui rampe à la manière d’une araignée sur le bureau du secrétaire. Telle que décrite dans le texte initial de William Harvey, la séquence était déjà digne d’un pur cauchemar : « A moins de cinq mètres devant lui, une main humaine rampait sur le parquet. Eustace la regarda, sidéré. Elle se mouvait vivement à la façon d’une chenille arpenteuse, ses doigts s’allongeant et se repliant alternativement. Le pouce, tel un crabe, paraissait entraîner le tout. » Dans le film, les trucages qui donnent vie à cette « créature » sont remarquables, même s’ils restent volontairement non spectaculaires – et du coup très réalistes. Au comble de la terreur, Hilary finit par poignarder cette main baladeuse et par l’épingler sur son bureau. Cette Bête aux Cinq Doigts nous évoque aussi fatalement la « chose » qui sévissait depuis cinq ans sur les planches dessinées de Charles Addams, mettant en vedette la famille qui porte son nom. Pour détendre l’atmosphère après tant d’émotions fortes, le film s’achève sur un double gag à la limite du cartoon. Cette note d’humour, ainsi que toutes celles qui émaillent le film, fut dictée par les dirigeants de la Warner, malgré les protestations de Robert Florey, comme si l’aspect purement horrifique du récit ne suffisait guère à rassurer les grands pontes d’un studio alors avare en matière de productions fantastiques.

 
© Gilles Penso

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