LES MAINS D’ORLAC (1935)

Un savant fou incarné par Peter Lorre greffe à un pianiste de renom les mains d’un criminel pour pouvoir lui voler sa fiancée…

MAD LOVE

 

1935 – USA

 

Réalisé par Karl Freund

 

Avec Peter Lorre, Colin Clive, Frances Drake, Ted Healy, Edward Brophy, Isabel Jewell

 

THEMA MAINS VIVANTES I MÉDECINE EN FOLIE

Deuxième adaptation du roman homonyme de Maurice Renard écrit en 1920, après une version muette de Robert Vienne mettant en vedette Conrad Veidt, ces Mains d’Orlac proposent une intéressante variante sur la thématique de l’organe greffé, en intégrant un triangle amoureux fort bien servi par le jeu torturé de Peter Lorre (La Bête aux cinq doigts) et Colin Clive (Frankenstein), sous la caméra experte de Karl Freund (La Momie). Le célèbre chirurgien docteur Gogol (Lorre) est amoureux d’Yvonne (Frances Drake), une pétillante comédienne qui se produit tous les soirs au « Théâtre des horreurs » de Paris. Il ne manque jamais une représentation, se délectant avec un plaisir malsain des fausses tortures que la belle subit sur scène. Un soir, Gogol apprend qu’elle quitte définitivement la scène pour rejoindre en Angleterre son époux Stephen Orlac (Clive), un pianiste de renom. Désemparé, il fait alors l’acquisition de la statue de cire la représentant au théâtre, rêvant d’en faire sa Galatée comme le Pygmalion de la mythologie. Selon le même principe que Masques de cire, la statue est interprétée par la comédienne réelle dans les gros plans, ce qui lui confère un troublant réalisme. Une atmosphère trouble et délétère s’installe ainsi dès le prologue du film.

Le soir même, le train Fontainebleau-Paris ramène Orlac à sa belle, mais suite à un déraillement, le pianiste est blessé. Bientôt, le verdict de la médecine tombe comme un couperet : il faut lui amputer les mains. Quoi de pire pour un pianiste ? En désespoir de cause, Yvonne supplie Gogol de l’aider. Celui-ci promet de réparer les mains d’Orlac. Mais en réalité, il tente une expérience secrète qui consiste à amputer le jeune homme pour lui greffer les mains de Rollo (Edward Brophy), un lanceur de couteaux américain accusé de meurtre et fraîchement guillotiné. A l’issue de l’opération, Yvonne et Stephen se réjouissent, dans un printemps parisien qui prend les allures d’une photo de Robert Doisneau. Mais l’euphorie dure peu : la rééducation est longue et coûteuse, Orlac n’arrive plus à jouer correctement, son détestable joaillier de beau-père refuse de l’aider financièrement… Bref rien ne va plus. C’est alors qu’une mécanique narrative empruntée partiellement au mythe de Frankenstein s’enclenche.

« J’ai conquis la science, 

pourquoi ne pourrais-je conquérir l’amour ? »

La goutte d’eau survient en effet lorsqu’Orlac découvre que ses mains ne lui obéissent plus et montrent une inquiétante dextérité au maniement des armes blanches. Face à ses plaintes, Gogol reste pragmatique : « Que leur reprochez-vous ? Dix doigts, et tous les nerfs et les muscles sont fonctionnels. » Et le pianiste de répondre : « Ce que je leur reproche ? C’est d’avoir une vie à elles. Toujours à l’affût d’un couteau à lancer. Et elles savent très bien le faire. » Jusqu’alors très stoïque, le chirurgien tourmenté commence à s’emporter lorsqu’Yvonne se refuse à lui. « Moi, pauvre paysan, j’ai conquis la science. Pourquoi ne pourrais-je conquérir l’amour ? » Pour parvenir à ses fins, ile sinistre savant va donc essayer de pousser Orlac au meurtre, en tuant lui-même le beau-père pour lui faire endosser le crime, puis en se déguisant en cadavre ambulant (avec des mains métalliques, une minerve et un visage grimaçant) pour faire croire à Orlac que Gogol a recousu et ressuscité Rollo. Saisissante, cette séquence délirante est le prélude d’un climax mémorable, au cours duquel Yvonne tente de se faire passer pour sa réplique en cire afin d’échapper aux griffes du médecin fou d’amour… Ce grand moment d’épouvante, produit par le studio Metro Goldwyn Meyer, s’efforçait avec talent d’entrer en concurrence avec les « Monster Movies » à succès conçus alors par le concurrent Universal. Pari réussi : Les Mains d’Orlac est depuis entré dans la légende.

 

© Gilles Penso


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