WONDER WOMAN (2017)

Après avoir joué les seconds rôles aux côtés de Superman et Batman, l’amazone de DC Comics a enfin droit à son propre long-métrage

WONDER WOMAN

 

2017 – USA

 

Réalisé par Patty Jenkins

 

Avec Gal Gadot, Chris Pine, Connie Nielsen, Robin Wright, David Thewlis, Danny Huston, Elena Anaya

 

THEMA SUPER-HÉROS I SAGA DC COMICS

Dans les années 80, avec « Watchmen », Alan Moore a sonné le glas des super-héros de papier en tant que symbole d’une Amérique unie et invincible contre une menace extérieure. Et c’est ce qui les a finalement sauvés en ouvrant la voie à une nouvelle approche artistique plus ambiguë, pour un public de moins en moins jeune et de plus en plus large. Sans plus d’ennemi machiavélique aussi clairement identifié comme pendant la seconde guerre mondiale, après des décennies de luttes intérieures contre la ségrégation et les inégalités, de guerres extérieures où le bien et le mal se sont confondus, le pays de la liberté s’est retrouvé confronté à ses propres démons, et ses super-héros, eux, tourmentés par le poids de décisions et de conflits intérieurs de plus en plus humains et de moins en moins héroïques. Avant les attentats de 2001, c’est en remontant à la source de la seconde guerre mondiale et de l’ennemi indiscutable du nazisme que Bryan Singer a secoué pour la première fois l’univers des super-héros et leur représentation sur le grand écran avec X-Men, en leur offrant une naissance cinématographique inédite, plus mature, plus réfléchie, plus réaliste, qui coïncidait aussi avec la révolution des VFX. Et c’est dans cette tradition du 21ème siècle que la nouvelle Wonder Woman fait quasiment l’unanimité sous les traits de la ravissante Gal Gadot (Miss Israël 2004 et candidate à Miss Univers la même année) dans un costume à peine revisité, mais avec la bonne idée de la projeter dans la période de la première guerre mondiale, et de lui permettre de saluer au passage la lutte des suffragettes qui permettra aux femmes d’obtenir le droit de vote après 1918 au Royaume-Uni, puis aux États-Unis en 1920 (en France il faudra encore attendre la fin de la seconde guerre mondiale).

Première adaptation à gros budget d’un comic book réalisée par une femme, Wonder Woman n’a pas été offert gracieusement à Patty Jenkins. Déterminée depuis 2005 à signer cette adaptation, malgré le succès de Monster, elle aura bataillé douze ans pour s’imposer derrière la caméra. Résultat : les scènes d’action, qui frôlent souvent l’ennui dans les films de super-héros à force de répétitions et d’un détachement avec la réalité, sont ici toujours portées par la personnalité et la détermination de l’héroïne. Née sur l’île des Amazones où règne sa mère la reine Hippolyte, incarnation charnelle d’une demi-déesse (Diane est le nom latin d’Artemis, fille de Zeus selon la mythologie grecque), la princesse Diana  apprend d’abord à se battre par jeu, bravant l’interdiction de sa mère qui ne souhaite que la préserver de la violence. Profondément bienveillante et altruiste, Diana ne prend les armes que pour défendre, secourir et lutter contre l’injustice. C’est d’abord pour rejoindre le combat de ses consœurs attaquées sur leur île, puis pour soutenir les hommes acculés dans les tranchées, et enfin pour sauver un village de civils qu’elle n’écoute qu’elle-même et brave tous les obstacles. Et sa détermination, sa volonté et sa personnalité se lisent sur son visage à chaque instant. Butée, obstinée, intuitive, avec un mélange de candeur et d’intelligence dénuée de malignité, elle part à l’assaut avec tous les courages. En cela, elle renoue avec le super-héros manichéen mais de façon extrêmement touchante. Comme avant elle le Surfer d’argent, elle est persuadée que le monde des hommes est victime d’un mal qui les dépasse. Ce n’est pas avec l’esprit vengeur ou agressif qu’elle prend part aux combats, mais avec empathie, pour aider ceux qui n’ont pas les moyens de se défendre. En revanche, elle change d’attitude face à celui qu’elle sait être responsable de ce qui pollue le cœur même des hommes. Lorsque l’ampleur du combat s’intensifie, nous comprenons progressivement que sa mission dépasse l’entendement des humains, puisqu’elle seule est à même de sauver le monde en affrontant Ares, dieu de la guerre qui – rien n’est simple au Panthéon – est également un enfant de Zeus, ce qui ferait potentiellement de lui le demi-frère de Diane !

Une amazone qui transcende le genre

De la part de la réalisatrice de Monster qui, dès son premier film, permit à son actrice principale Charlize Theron d’obtenir un Oscar, il était à prévoir que cette amazone serait incarnée avec une justesse qui atteindrait les sommets du genre, voire serait capable de le transcender. Et en effet, sa réalisation évoque plus la finesse des chorégraphies des films d’action hongkongais que la brutalité à laquelle le cinéma d’action américain nous a habitués. De plus, elle fait mouche avec un scénario qui sait être attendrissant et qui offre aux héros une belle histoire d’amour – mais aussi d’amitiés et de fidélité – les soutenant tout au long de leur aventure. Bien sûr, notre super-héroïne sera confrontée à la perte des êtres chers, à des émotions contradictoires, et son histoire d’amour finira mal (un pléonasme dans l’univers des super-héros). Mais elle aura le temps d’en ressentir toute la chaleur et la bonté, même si elle passe à côté de l’humour de son compagnon, comme lui-même a du mal à comprendre ses priorités. Ce décalage donne lieu à des situations comiques qui savent éviter le second degré et donc ne décrédibilisent pas les personnages. Car le film traite sa super-héroïne avec respect et sérieux et donne un nouveau souffle à son mythe. Finalement, elle sauvera vraiment le monde, nous laissant pantois devant une telle réussite, avec une pensée d’espoir en guise de remède et de possible victoire à long terme : la foi en la faculté de l’Homme d’être un héros, d’aimer (comme elle a aimé le capitaine Steve Trevor, alias Chris Pine), et de devenir un meilleur être humain par ses choix et ses actions.

 

© Quélou Parente

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