SYNCHRONIC (2019)

Le talentueux duo Aaron Moorhead / Justin Benson nous plonge dans un récit de voyages dans le temps vertigineux et résolument atypique

SYNCHRONIC

 

2019 – USA

 

Réalisé par Justin Benson et Aaron Moorhead

 

Avec Jamie Dorman, Anthony Mackie, Katie Aselton, Ally Ioannides, Bill Oberst Jr., Martin Bats Bradford

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS

A peine The Endless avait-il eu le temps de faire le tour de la planète qu’Aaron Moorhead et Justin Benson ajoutaient déjà une nouvelle pierre à l’édifice fascinant de leur filmographie hors norme. Synchronic s’inscrit parfaitement dans la continuité de leurs travaux précédents, et s’il ne se situe pas nécessairement dans le même univers, il cultive la même approche : le traitement d’un sujet de science-fiction pur – en l’occurrence le thème du voyage dans le temps – via une approche intimiste et une relecture inédite. Le scénario s’intéresse ici à deux ambulanciers de la Nouvelle-Orléans, Dennis (Jamie Dorman) et Steve (Anthony Mackie) dont la vie bascule le jour où ils découvrent que de nombreuses morts violentes sont dues aux effets d’une drogue de synthèse totalement inconnue.

Synchronic est sans conteste le film le plus « accessible » et le plus « grand public » de ses réalisateurs. S’ils ne renoncent jamais à leur style résolument original, les duettistes s’arment ici d’un budget légèrement plus confortable qu’à l’accoutumée et peuvent du coup accroître leurs ambitions visuelles. Les sauts dans le temps répétés du protagoniste central prennent ainsi une tournure presque épique, garnis de séquences d’action très efficaces, d’effets spéciaux audacieux et de reconstitutions d’univers appartenant au passé. Le plan-séquence du début du métrage est lui-même un tour de force virtuose doublé d’un usage parfaitement judicieux des latitudes qu’offre le langage cinématographique. Le but n’est pas d’épater le spectateur mais de jouer dès l’entame sur la notion de temps réel et de relocalisation de chaque personnage et de chaque objet dans un espace précis. Ces « implants » narratifs, a priori anodins, finissent par prendre tous leur sens plus tard dans le métrage.

Les caprices du temps

Après la boucle temporelle d’Endless, l’altération du temps s’organise ici sous une forme différente. Le scénario développe ainsi l’idée surprenante que certains objets sont physiquement affectés lorsqu’ils passent d’une époque à l’autre. Le film est jalonné de trouvailles habiles, comme par exemple cet usage du caméscope qui remplit un triple usage. Support de suspense très efficace, il justifie aussi les moments où le personnage central est amené à parler tout seul et permet en outre de collecter des preuves du phénomène surnaturel sans encombrer le récit de besogneuses explications à rallonge. Au cœur de l’action, Anthony Mackie s’implique pleinement, laissant au vestiaire la panoplie de super-héros dont l’a doté le studio Marvel pour camper un humain ordinaire plongé dans la plus extraordinaire des situations. En ce sens, Moorhead et Benson s’inscrivent ouvertement dans la lignée des scénarios de Rod Serling pour La Quatrième Dimension. Avec leur sensibilité toute personnelle, ils ne cessent en effet de décliner de film en film le motif du surnaturel qui s’invite dans le quotidien jusqu’à l’ébranler irrémédiablement.

 

© Gilles Penso

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