THE VOICES (2014)

Ryan Reynolds entend les voix de ses animaux familiers et finit par basculer dans le meurtre en série

THE VOICES

 

2014 – USA / ALLEMAGNE

 

Réalisé par Marjane Satrapi

 

Avec Ryan Reynolds, Gemma Arterton, Anna Kendrick, Jacki Weaver, Ella Smith, Stanley Townsend, Paul Chahidi, Adi Shankar, Sam Spruell, Valerie Koch

 

THEMA TUEURS

Spécialisé jusqu’alors dans l’écriture d’épisodes de séries TV (The Practice, Millenium, American Gothic, New York Police Blues), Michael R. Perry séduit tout Hollywood lorsqu’il fait circuler son scénario de The Voices. Le concept résolument original de cette comédie légère basculant dans l’horreur attire de nombreux producteurs, mais le film peine à se concrétiser. En 2009, le réalisateur Mark Romanek (Photo Obsession) est en bonne position pour le mettre en scène, avec en tête d’affiche rien moins que Ben Stiller. Mais le budget grimpe de manière alarmante et finit par étouffer le projet dans l’œuf. Finalement, c’est Marjane Satrapi qui hérite du bébé. Cette artiste franco-iranienne, qui a signé plusieurs bandes dessinées à succès dans les années 2000, a créé l’événement en adaptant à l’écran sa BD Persepolis. Cette chronique autobiographique est à mille lieues de l’univers insolite de The Voices. La cinéaste s’empare pourtant du scénario de Perry sans aucune entrave, s’attaquant pour la première fois à un long-métrage en prises de vues réelles, et donne le premier rôle à Ryan Reynolds.

La future star de Deadpool incarne Jerry Hickfang, un homme simple et enthousiaste qui travaille dans une usine de baignoires et mène une vie tranquille. Au cours d’une petite fête de bureau organisée pour souder les équipes, Jerry tombe amoureux d’une de ses collègues, Fiona (Gemma Arterton) pour qui ce sentiment n’est manifestement pas réciproque. Il essaie malgré tout de la courtiser maladroitement, mais leur premier rendez-vous va virer au drame. Il faut dire que Jerry n’est pas un homme ordinaire. Sous la patine de son affabilité à la lisière de l’euphorie se cachent les fêlures d’un être profondément traumatisé par un drame d’enfance. Souffrant d’une psychose aigue à tendance schizophrénique, il entend son chat et son chien lui parler et se laisse influencer par leurs conseils. Mais si le brave toutou témoigne d’une bonhomie inoffensive, la personnalité du félin est beaucoup moins délicate. Misanthrope, acariâtre, irascible, le chat va pousser Jerry au crime et le transformer malgré lui en serial killer…

La farandole des émotions contraires

The Voices est un film assez insaisissable, qui alterne les scènes de comédie décalée, les passages horrifiques, les séquences d’humour noir et des moments empreints d’une profonde tristesse. Or la sensibilité toute personnelle de Marjane Satrapi permet de faire alterner toutes ces émotions contraires sans que le film perde sa cohérence, presque miraculeusement. Tout le talent de la cinéaste aura été de faire entrer la tonalité du film en phase avec la personnalité de son protagoniste, sans cesse en proie à des sentiments contradictoires. C’est parce qu’il refuse le traitement médicamenteux ordonné par la justice et les psychiatres que Jerry flotte dans une sorte de réalité alternative. A travers ses yeux, le désordre devient harmonieux, la saleté n’existe pas, la symétrie s’impose et les pires horreurs s’estompent. Pourtant, quelque part au fond de lui, notre homme sait que tout n’est qu’illusion et que les voix qu’il entend sont les différentes facettes de sa propre personnalité. A ce titre, la séquence au cours de laquelle il découvre la véritable apparence de son appartement, après avoir absorbé les médicaments prescrits par son médecin, fait froid dans le dos. Sans ostentation ni effet démonstratif trop flagrant, Marjane Satrapi nous laisse entrevoir la faille vertigineuse qui marque la séparation entre a réalité et le fantasme. Tirant parti du jeu tout en finesse d’un Ryan Reynolds par encore porté sur l’auto-caricature, The Voices a divisé l’opinion lors de sa sortie. Comment pourrait-il en être autrement pour une œuvre aussi insolite ?

 

© Gilles Penso



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