DEADPOOL (2016)

Ryan Reynolds et Tim Miller s'amusent à parodier les films de super-héros mais finissent par tomber dans les clichés qu'ils pastichent

DEADPOOL

2016 – USA

Réalisé par Tim Miller

Avec Ryan Reynolds, Morenna Baccarin, Ed Skrein, Stefan Kapicic, Brianna Hildebrand, T.J. Miller, Gina Carano

THEMA SUPER-HEROS I SAGA MARVEL

Généralement, le public décide si un film est culte ou non. C’est l’ordre naturel des choses, et parfois il faut laisser le temps apposer sa patine. A l’époque de leur conception, qui aurait bien pu prévoir que des œuvres aussi disparates qu’Orange Mécanique, The Rocky Horror Picture Show ou Phantom of the Paradise acquerraient un tel statut ? Mais dans le cas de Deadpool, c’est le studio a qui a décidé de choisir à la place des spectateurs. Humour décalé, clins d’œil incessants, références à la culture pop, usage abondant du sexe, de la violence et de la vulgarité… Tous les ingrédients semblent réunis pour que ce film de super-héros déjanté défraye la chronique, accompagné d’un doux parfum de scandale, et occupe une place particulière dans le cœur des fans du genre. Sauf que les choses ne fonctionnent pas comme ça : une œuvre culte ne se fabrique pas de toutes pièces, elle le devient naturellement.

Derrière chaque écart « subversif » du film, on sent le calcul des auteurs et des producteurs. A travers chaque gag graveleux, on imagine le cahier des charges qui se remplit. Deadpool déborde tant d’autosuffisance qu’il ne se contente pas d’essayer de faire rire, il ne cesse de prendre le spectateur à parti pour lui faire confirmer sa drôlerie. Au lieu de simplement « briser le quatrième mur » de la narration en s’adressant directement au public, Ryan Reynolds se sent obligé de dire : « Vous avez vu les gars ? Je brise le quatrième mur ! » Au lieu de nous surprendre en basculant soudain dans la violence gratuite, la voix off juge bon d’ajouter : « Vous pensiez voir un film de super-héros classique ? Et bien non, je viens d’embrocher un gars avec mes épées ! » Tout le film est à l’avenant, surlignant ses effets comiques pour s’assurer que chacun a bien entendu toutes les blagues. Il ne manque plus que le panneaux « rire » et les éclats de rire enregistrés !

Une subversion savamment calculée

D’autant que lorsqu’on le met à plat, le scénario de Deadpool est formaté comme celui de tous les films de super-héros dont il se moque allègrement : le protagoniste à la dérive, ancien membre des forces spéciales, qui tombe amoureux d’une jolie fille et accepte qu’on pratique sur lui une expérience scientifique pour le guérir de sa maladie incurable ; le méchant très très méchant qui se complaît dans sa vilénie ; le faire-valoir qui distribue les bons mots ; une poignée de scènes d’action spectaculaires à base de cascades de voitures, de fusillades et d’acrobaties en varispeed ; un climax explosif qui permet la destruction massive du repaire du vilain. C’est même probablement, de tous les films adaptant l’univers Marvel, celui qui se conforme le plus servilement au scénario codifié qu’il entend dynamiter. Pour mettre un peu d’eau dans notre vin, admettons que Deadpool sait nous dérider et qu’un grand nombre de traits d’humour font mouche (les allusions à Taken ou aux autres films de la série X-Men sont assez délectables). Regrettons simplement le manque de spontanéité de cette vaste entreprise qui, sous ses allures de « vilain petit canard », est un film de franchise aux composants savamment dosés. Dans un registre plus « sage » mais beaucoup plus sincère, on préfèrera largement le grain de folie des Gardiens de la Galaxie de James Gunn.

 

© Gilles Penso

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