PEE WEE’S BIG ADVENTURE (1985)

Le premier long-métrage de Tim Burton est un brouillon joyeux qui porte en germe tous les ingrédients de ses futures grandes œuvres

PEE WEE’S BIG ADVENTURE

 

1985 – USA

 

Réalisé par Tim Burton

 

Avec Paul Reubens, Elizabeth Daily, Mark Holton, Diane Salinger, Judd Omen, Irving Hellman, Monte Landis, Damon Martin, Daryl Roach, Bill Cable, Peter Looney, Alice Nunn

 

THEMA CONTES

C’est en grande partie grâce au court-métrage Frankenweenie que Tim Burton est entré dans « la cour des grands ». Sa relecture canine du classique de Mary Shelley et de James Whale a en effet placé sous le radar des studios hollywoodiens cet artiste original qui, jusqu’alors, griffonnait anonymement dans les ateliers de création de Disney sans vraiment sortir du lot. Une de ses amies, Bonnie Lee, montre Frankenweenie à plusieurs de ses collègues de Warner Bros qui tombent aussitôt sous le charme et proposent à Burton de produire son premier long-métrage, un prolongement sur grand écran des aventures très populaires de Pee-Wee Herman. Ce personnage étrange, incarné par Paul Reubens, triomphe depuis quelques temps dans le programme télévisé Pee-Wee’s Playhouse destiné au tout jeune public et cherche justement le metteur en scène qui saura lui faire conquérir le cinéma. Pour Tim Burton, l’occasion est trop belle. L’un de ses plus gros handicaps ayant été de communiquer aux studios ses idées souvent jugées bizarres, il n’a pas ce problème puisqu’ici le concept existe déjà. D’autre part, il se trouve de très nombreuses affinités avec le personnage de Pee-Wee, un être totalement excentrique qui parvient malgré tout à trouver sa place dans la société.

Pour pouvoir apprécier Pee-Wee Big Adventure, il faut accepter le postulat d’un homme-enfant qui passe son temps à gesticuler en tous sens, à sautiller sur place et à pousser des cris et des éclats de rires hystériques. Dans sa maison à mi-chemin entre le parc d’attractions et le magasin de jouets, le petit déjeuner rituel est déjà une véritable épopée. Des mécanismes improbables enclenchés par une réaction en chaîne font cuire les œufs et les pancakes, pressent le jus d’orange, chauffent les toasts et préparent les croquettes du chien Speck. L’extérieur de la maison est tout autant improbable, le jardin s’ornant d’une fusée et de différentes statues représentant des Indiens, des vaches et un Père Noël ! Mais c’est sans doute son vélo qui focalise le plus ses attentions, minutieusement décoré avec un aileron, une hélice, une tête de fauve et une plaque personnalisée. Or un jour, après s’être arrêté en ville pour s’acheter des articles dans un magasin de farces et attrappes ainsi qu’un nouveau klaxon, Pee-Wee découvre avec stupeur que quelqu’un a volé son vélo adoré, malgré les kilos de chaînes dont il l’a emberlificoté. Dès lors, notre héros s’embarque dans un road movie bizarre, en quête de son deux-roues disparu. Sur son chemin, il croise une fausse diseuse de bonne aventure, un prisonnier en cavale, une vieille camionneuse d’outre-tombe, une serveuse qui lui fait les yeux doux et son colossal petit-ami, un vagabond amateur de sardines et de chansons folkloriques, des cowboys spécialistes du rodéo et un groupe de motards satanistes.

La camionneuse fantôme et le T-Rex rouge

Le scénario est l’œuvre conjointe de Paul Reubens, Phil Hartman et Michael Varhol, mais l’influence de Tim Burton sur l’ensemble de l’œuvre est manifeste, même si ce dernier affirme s’être contenté « d’embellir ce qui existait déjà ». Dans cet univers atemporel dont l’imagerie globale, les vêtements et les voitures évoquent la fin des années 50, Burton joue volontairement la carte de l’excès, poussant ses comédiens à surjouer comme s’il cherchait à les transformer en personnages de dessins animés. D’ailleurs, le temps d’une scène nocturne où Pee-Wee est perdu dans la brousse, ses yeux deviennent ceux d’un personnage de cartoon. Grand amateur d’animation, et tout particulièrement de stop-motion, le cinéaste n’utilise pas cette technique aussi intensivement qu’il le souhaiterait dans Pee-Wee Big Adventure pour des raisons de budget et de délai, mais il a tout de même l’occasion de solliciter cette technique pour deux scènes furtives : la camionneuse fantôme interprétée par Alice Nunn qui se transforme subitement en spectre aux yeux globuleux, et Pee Wee qui rêve qu’un tyrannosaure rouge et bedonnant aux yeux lumineux vient à sa rencontre en pleine nuit et emporte son vélo dans sa mâchoire. Dans une autre séquence de rêve étonnante qui semble presque annoncer Batman, des infirmiers et un médecin dont le maquillage est quasiment celui du Joker emmènent le vélo de Pee-Wee sur un brancard. Le film collecte ainsi les moments de folie et de surréalisme sans la moindre retenue, multipliant aussi les clins d’œil à destination des cinéphiles férus de fantastique et de science-fiction : un poster d’Elvira qui trône dans le magasin de farces et attrapes, l’ombre de Pee-Wee dans une rue nocturne qui ressemble à celle du Monstre de Frankenstein, ou encore la boule de cristal de la voyante qui emet le même bruit que les vaisseaux martiens de La Guerre des mondes. Quant au climax, il se déroule au beau milieu des studios Warner Bros où Pee-Wee retrouve son vélo, interrompt le tournage d’un film de monstres japonais et se retrouve poursuivi par un bateau auquel sont accrochés des skieurs nautiques, le traîneau du Père Noël et un comédien engoncé dans le costume de Godzilla ! Film de toutes les démesures, Pee-Wee Big Adventure aura donc mis le pied à l’étrier de Tim Burton et lui aura permis de collaborer pour la première fois avec l’un de ses collaborateurs artistiques les plus fidèles, le compositeur Danny Elfman.

 

© Gilles Penso



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