L’HOMME DE LA PLANÈTE X (1951)

Alors qu’une nouvelle planète s’approche de la Terre, un astronome découvre un vaisseau écrasé avec à son bord un étrange extra-terrestre

THE MAN FROM PLANET X

 

1951 – USA

 

Réalisé par Edgar G. Ulmer

 

Avec Robert Clarke, Margaret Field, Raymond Bond, Willem Schallert, Roey Engel, Gilbert Fallman, Tom Daly

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES

A priori, rien n’explique comment ni pourquoi L’Homme de la planète X a pu laisser une trace dans les annales du cinéma. Sorti en 1951 – soit le début de la période faste des films d’invasion extra-terrestre au sous-texte anti-communiste -, les autres illustres représentants du genre que sont La Guerre des mondes, Le Jour où la Terre s’arrêta, La Chose d’un autre monde ou même Les Envahisseurs de la planète rouge auraient dû jusqu’à effacer tout souvenir de son existence. Mais si Joe Dante lui-même a rendu hommage au film en offrant une apparition à son kitchissime visiteur de l’espace dans Les Looney Tunes passent à l’action, c’est que L’Homme de la planète X vaut bien que l’on s’attarde sur son cas. La scène d’ouverture présente un journaliste (John Lawrence) cloitré dans une tour au milieu de la lande écossaise. Relatant les événements des jours précédents, il explique que le monde n’a peut-être plus que quelques heures à vivre. Et l’intégralité du film de se dérouler sous forme d’un long flashback (c’est tout relatif, le film durant à peine 1h10), revenant sur la découverte par un astronome (Raymond Bond) d’une nouvelle planète en approche de la Terre. Il convie ainsi son ami journaliste à suivre ses recherches. Comme il se doit, ce dernier s’acoquine vite avec la fille de l’astronome (Margaret Field) et tous deux découvrent au gré d’une balade nocturne un authentique objet volant non identifié écrasé au milieu d’un champ. A son bord : un passager humanoïde communiquant par modulation sonore. Vient-il en paix ? Veut-il conquérir notre planète ?

La simple présence d’Edgar G. Ulmer derrière la caméra pourrait suffire à attirer les curieux. Immigré aux États-Unis après avoir travaillé avec F.W. Murnau et Fritz Lang en Allemagne, son bagage expressionniste aurait pu faire de lui un des éminents réalisateurs des classiques fantastiques d’Universal pour qui il signa Le Chat noir avec rien moins que Lugosi et Karloff, avant même que toute rencontre entre Dracula et Frankenstein ne soit envisagée. Malheureusement, il en sera autrement et Ulmer restera cantonné tout au long de sa productive carrière à œuvrer sur des petits – voire très petits – budgets, tels ces 51 000 dollars alloués à L’Homme de la planète X qui, même en 1951, équivalaient à peine au budget café d’un film de studio. C’est dans l’épreuve que l’on reconnait les vrais héros et Ulmer réussit un véritable tour de force en faisant de cette contrainte financière et logistique une source de créativité. Tout d’abord en profitant des décors pas encore démantelés du Jeanne d’Arc de Victor Fleming. Ensuite en choisissant de les baigner d’une brume permanente. De cache-misère, cette approche devient un trait stylistique aussi économique qu’efficace, conférant au film tout son intérêt sur le plan visuel, tout en collant au fait que l’action est censée se situer en Ecosse… A moins que ce choix géographique n’ait lui-même été déterminé par l’omniprésence de ce brouillard ?

Inventivité à tous les étages

Autre décision payante découlant des contraintes budgétaires, Ulmer et ses scénaristes font de L’Homme de la planète X un huis-clos (les décors de studios qui figurent les extérieurs campagnards s’avérant aussi claustrophobiques que désertiques) avec quatre rôles principaux et à peine plus de seconds rôles pour faire bonne figure. Certes, les relations entre les personnages restent très superficielles, la romance naissante entre le journaliste et la fille du scientifique superflue, mais l’histoire parvient néanmoins à brouiller tout manichéisme, les tourtereaux étant convaincus que ce visiteur du soir est venu en paix, alors que l’assistant du père se montre d’entrée de jeu méfiant et suspicieux et qu’il se verrait plutôt le disséquer pour voir de quoi il est constitué. Tout l’intérêt du film repose justement sur le fait que le but de la mission de cet éclaireur de l’espace ne sera jamais révélé. Ulmer étant lui-même un immigré du vieux continent, on peut même imaginer qu’à son arrivée aux États-Unis, il a pu lui-même faire face à des réactions aussi accueillantes qu’hostiles. Alors bien sûr, on pourra objectivement sourire du costume et du masque en papier mâché du personnage-titre, et certains dialogues feraient mouche dans une parodie du genre, comme cet exposé pseudo-scientifique de l’astronome repris par le journaliste sur le mode « Ainsi donc professeur, si j’ai bien compris, vous me dites que… » afin de récapituler ce qui vient d’être dit pour les spectateurs éventuellement distraits. Mais il serait injuste de comparer L’Homme de la planète X au Jour où la Terre s’arrêta en raison du monde qui sépare les deux productions d’un simple point de vue budgétaire et logistique. Mais face à Plan 9 From Outer Space, force est alors de reconnaitre le talent d’Edgar G. Ulmer. Faire si bien avec rien confinerait presque au génie. Et si, de la quantité impressionnante de films réalisés par cet authentique roi de la série B, l’histoire retiendra avant tout Le Chat noir ou l’excellent film noir Détour, la Cinémathèque Française ne s’y est pas trompée en incluant L’Homme de la planète X à la rétrospective qu’elle lui consacra en 2012.

 

© Jérôme Muslewski

 

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