FURIE (1978)

Dans la foulée de Carrie, Brian de Palma suit les destins croisés de deux adolescents aux terribles pouvoirs télékinétiques

THE FURY

 

1978 – USA

 

Réalisé par Brian de Palma

 

Avec Amy Irving, Kirk Douglas, John Cassavetes, Carrie Snodgress, Charles Durning, Fiona Lewis, Andrew Stevens

 

THEMA POUVOIRS PARANORMAUX

Après l’incroyable succès de Carrie, mué en véritable objet de culte auprès de nombreux spectateurs, Brian de Palma poursuit son étude des pouvoirs paranormaux et de leurs conséquences avec cet étonnant Furie qui n’en constitue ni une séquelle ni un remake, mais plutôt une variante autour d’une thématique voisine. Cette fois-ci, l’inspiration ne vient plus de Stephen King mais d’un autre écrivain spécialisé dans l’horreur, John Farris, dont le roman « Fury » fut publié en 1976, et qui signa lui-même l’adaptation de son livre pour l’écran. En toute logique, le producteur Frank Yablans pensa à Brian de Palma pour transformer ce script en film. La tentation était trop forte de réitérer le triomphe de Carrie. À la réflexion, ce fut peut-être un cadeau empoisonné, dans la mesure où Furie fut accueilli de manière assez glaciale par la critique, ne voyant là que la tentative maladroite du cinéaste de surfer sur le succès de son précédent long-métrage. Mais un tel procès d’intention dénotait d’une certaine étroitesse d’esprit et d’une appréhension très superficielle des choses. Bien sûr, Carrie et Furie entretiennent de nombreux points communs, notamment les pouvoirs télékinétiques et la présence d’Amy Irving. Mais là n’est pas l’intérêt majeur du réalisateur. Pour De Palma, se focaliser sur de jeunes héros assaillis par des visions qu’ils ont du mal à contrôler, c’est aborder frontalement son propre rapport obsessionnel à l’image.

Interprète de la seule survivante du carnage provoqué par Sissi Spacek dans Carrie, Amy Irving passe donc ici sur le devant de la scène, incarnant avec beaucoup de sensibilité une jeune fille prénommée Gillian. Capable bien malgré elle de provoquer à distance de dangereuses hémorragies dans son entourage, elle intéresse fortement le businessman Childress (John Cassavetes), bien déterminé à s’en servir d’arme d’un nouveau genre. Il la prend donc sous son aile, au sein du Paragon Institute, un établissement consacré à l’étude des facultés parapsychologiques qui sert de couverture à ses activités politiques. Parmi ses « protégés » se trouve également Robin, un garçon instable relié psychiquement à Gilian. Là est le cœur du récit tel que le narre De Palma, et sans doute sa motivation première dans la mise en scène de Furie. Quoi de plus poétiques que ces deux adolescents partageant sans le savoir les mêmes messages télépathiques depuis leur tendre enfance, un phénomène inexpliqué qu’ils attribuent de prime abord à de simples rêves ?

Sanglante apothéose

L’autre sujet qui motive particulièrement le réalisateur est la naïveté de l’enfance corrompue par la présence des adultes, que ces derniers soient volontairement ou non manipulateurs. Et c’est justement la double présence de Childress et de Peter (Kirk Douglas), le père de Robin, qui va précipiter le drame. En plus de sa filiation avec Carrie, Furie annonce également deux œuvres que réalisera quelques années plus tard David Cronenberg : Scanners et Dead Zone. Mais au-delà des jeux d’influence, le onzième long-métrage de Brian de Palma constitue une œuvre étrange et complexe, qui se réapproprie avec panache les préoccupations d’un roman inscrit dans le contexte de la guerre froide. Le scénario mêle ainsi l’espionnage au fantastique pur, Kirk Douglas et John Cassavetes se démenant avec beaucoup de conviction dans des rôles antithétiques taillés sur mesure. S’il n’a rien perdu de son style flamboyant (la scène de la vision dans l’escalier transcendée par l’utilisation surréaliste d’une incrustation sur fond bleu, le calvaire d’une des victimes de Robin qui flotte dans les airs en recouvrant les murs de sang, l’évasion mouvementée de Gilian tournée au ralenti), De Palma dose ici ses effets de mise en scène lorsqu’il juge nécessaire de s’effacer derrière ses acteurs. La folie, la démesure et l’excès reprennent tout de même le dessus au cours d’un dénouement choc à la fois brutal, époustouflant et complètement inattendu, s’appuyant en partie sur des effets spéciaux conçus par Rick Baker et A.D. Flowers. L’esthète Brian de Palma sacrifie ainsi à son goût stylistique du crescendo et de l’apothéose, pour le plus grand plaisir des amateurs de son cinéma résolument plus grand que nature.

 

© Gilles Penso

 

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