LE RAYON BLEU (1977)

Une vague de crimes violents secoue la cité. Les assassins semblent subir les effets tardifs d’une drogue qu’ils consommèrent dix ans plus tôt…

BLUE SUNSHINE

 

1977 – USA

 

Réalisé par Jeff Lieberman

 

Avec Zalman King, Deborah Winters, Mark Goddard, Robert Walden, Charles Siebert, Ann Cooper

 

THEMA MUTATIONS

Un an après La Nuit des vers géants, Jeff Lieberman s’embarque dans une nouvelle fable fantastico-horrifique qui délaisse cette fois la terreur viscérale au profit d’une satire sociale filtrée par le prisme d’un postulat de science-fiction. Acteur récurrent de la série The Young Lawyers, Zalman King y interprète d’un héros bizarre bourré de tics nerveux nommé Jerry Zipkin. Celui-ci est plongé malgré lui au cœur d’un vent de fureur et de folie meurtrière qui se met subitement à souffler parmi la population. Agressé par un tueur redoutable, déjà coupable du meurtre de trois femmes, Zipkin se débarrasse de lui en le poussant sous les roues d’un camion lancé à pleine vitesse. Manque de chance, voilà notre protagoniste accusé du meurtre de l’homme, mais aussi de celui de ses victimes. Fuyant la police, il décide de mener l’enquête de son côté, avec l’aide de son amie Alicia (Deborah Winters), et découvre l’incroyable pot aux roses. Tous ceux qui sont atteints par ce virus sanguinaire ont été étudiants dix ans plus tôt dans la même université, à Stanford, et ont tous absorbé une variante de LSD baptisée « Blue Sunshine ». Une décennie plus tard, leurs cheveux ont commencé à tomber, la migraine a gagné leurs cerveaux, et ils se sont mués en tueurs fous à la force décuplée. Comble de l’ironie, celui qui vendait cette fameuse drogue sur le campus est aujourd’hui candidat aux élections présidentielles…

Tourné en cinq semaines, Le Rayon bleu accuse la maigreur de son budget et aurait sans doute gagné en atmosphère si Lieberman avait pu installer ses caméras à New York, comme il l’envisageait initialement, avant que les contraintes de production ne l’incitent à filmer à Los Angeles. Les limitations budgétaires l’empêchèrent également de tourner des flash-backs situés dans les années 60, où l’origine du mal aurait été plus explicitement montrée. On regrette surtout que le point de départ audacieux de ce scénario se solde finalement par un récit un tantinet erratique mêlant l’intrigue policière et le film d’épouvante sans parvenir à déjouer les conventions et les lieux communs des deux genres, d’autant que l’enquête de Zipkin finit par traîner en longueur. On sent bien la volonté du cinéaste de décliner la thématique très hitchcockienne du faux coupable en la teintant d’une horreur très urbaine. De fait, l’affrontement final de l’un des drogués dans le petit supermarché évoque irrésistiblement le Zombie de George Romero, qui ne sortira sur les écrans qu’un an plus tard.

Le faux coupable

S’il concourt à créer une ambiance insolite, le jeu outré de Zalman King joue en défaveur de la crédibilité de son personnage. Mais le comédien n’est pas vraiment à mettre en cause, dans la mesure où les instructions de Jeff Liebermann étaient d’adopter une attitude nerveuse et étrange pour laisser imaginer aux spectateurs que son héros pourrait très bien être lui aussi en proie à une mutation. Le réalisateur regrettera plus tard d’avoir dirigé King sur cette voie douteuse. Le Rayon bleu se démarque surtout par sa vision cynique de la société américaine, qui protège les citoyens respectables, fussent-ils des assassins psychopathes, au détriment des inadaptés, volontiers accusés des crimes à leur place. De toute évidence, le cinéaste effectue une sorte de transfert sur son héros, avec lequel il partage la même marginalité, hors des canons bien établis du monde hollywoodien. Le Rayon bleu marquera de son influence plusieurs autres films de genre, notamment le Scanners de David Cronenberg. Lieberman lui-même en signera une sorte de remake en 1988 avec le méconnu Remote Control.

 

© Gilles Penso

 

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