JE SUIS UN MONSTRE (1971)

Christopher Lee et Peter Cushing s’affrontent une fois de plus dans cette relecture du mythe de Jekyll et Hyde…

I MONSTER

 

1971 – GB

 

Réalisé par Stephen Weeks

 

Avec Christopher Lee, Peter Cushing, George Merritt, Kenneth J. Warren, Mike Raven, Susan Jameson, Richard Hundall

 

THEMA JEKYLL ET HYDE

Dix ans après Les Deux visages du docteur Jekyll produit par la Hammer, la compagnie concurrente Amicus, livrait sa propre version du roman de Stevenson qu’elle envisageait de tourner en relief, procédé finalement abandonné à cause de ses complications techniques. Problèmes de droits d’auteur ou volonté de se démarquer des adaptations précédentes ? Toujours est-il que le film évacue volontairement toute référence au livre dans son titre, et change même le nom des deux personnages principaux, Jekyll et Hyde se muant en Marlowe et Blake. Pour le reste, Je suis un monstre est l’une des retranscriptions les plus fidèles qui soient au texte initial. Stevenson est donc logiquement présent au générique en tant qu’auteur de l’œuvre qui a inspiré le scénario. Ici, le docteur Charles Marlowe crée ainsi un sérum capable d’altérer la personnalité. S’inspirant largement des théories échafaudées par Freud, il fait tomber les barrières de l’inconscient et annihile le Surmoi. Dès lors, plus de conscience, plus de morale ni même de jugement. Et c’est là que réside l’intérêt majeur du scénario, même si cette approche est hélas peu exploitée, se cantonnant à une poignée d’explications dialoguées.

Marlowe teste d’abord le produit sur un chat, qui se mue en bête féroce, puis sur une patiente timide, qui lui fait soudain des avances en se déshabillant, et enfin sur un patient agressif, qui devient doux comme un agneau. En toute logique, il se choisit lui-même comme cobaye suivant. La métamorphose s’opère progressivement. Dans un premier temps, il arbore un sourire sadique et écarquille les yeux, mu par d’incontrôlables instincts violents. Puis il se met à se dégrader physiquement, adoptant alors l’identité d’Edward Blake pour pouvoir librement perpétrer ses méfaits. Plus il agit mal, plus son visage s’enlaidit, à l’instar du Portrait de Dorian Gray, et via un maquillage simiesque aux dents proéminentes qui n’est pas sans évoquer celui de Frederic March dans la version de 1932 de Docteur Jekyll et Mister Hyde. Bientôt, Marlowe ne parvient plus du tout à contrôler ses transformations, s’acheminant inéluctablement vers une fin tragique…

Docteur Christopher et Mister Lee

A vrai dire, le choix de Christopher Lee dans le rôle du bon docteur Marlowe est un tant soit peu discutable, dans la mesure où sa silhouette altière, son visage crispé et son regard sombre n’exhalent guère la générosité et la philanthropie inhérentes au personnage. L’empathie du spectateur s’en trouve donc sérieusement amoindrie. Aux côtés de Lee, l’incontournable Peter Cushing mène l’enquête, dans le rôle de l’avocat Frederick Utterson, et le climax, passage obligatoire, prend la forme d’un affrontement entre les deux monstres sacrés. Le plus gros défaut de ce Je suis un Monstre est finalement lié au peu de surprise qu’il réserve aux spectateurs, étant donnée sa volonté de fidélité à un matériau d’origine tant de fois adapté par le passé, défaut qui se double d’une tendance à faire passer la majeure partie des informations par le biais du dialogue plutôt que de l’action. Sans doute le metteur en scène Stephen Weeks n’avait-il pas l’envergure nécessaire pour transcender les lieux communs de l’intrigue et pour tirer au mieux parti d’un casting pourtant de tout premier choix.

 

© Gilles Penso

 

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