PAYCHECK (2003)

Sous la direction de John Woo, Ben Affleck incarne un espion du futur dont la mémoire est effacée après chaque mission…

PAYCHECK

 

2003 – USA

 

Réalisé par John Woo

 

Avec Ben Affleck, Aaron Eckhart, Uma Thurman, Paul Giamatti, Colm Feore, Joe Morton, Michael C. Hall, Peter Friedman

 

THEMA FUTUR I ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION

Apparemment enthousiasmé par le succès critique et artistique de Minority Report, Steven Spielberg s’est lancé dans la production d’une autre adaptation d’une nouvelle de Philip K. Dick via sa compagnie Dreamworks. Derrière la caméra, on retrouve le surdoué John Woo, soucieux de redorer son blason après l’échec d’un Windtalkers qui lui tenait pourtant à cœur. Hélas, Paycheck n’aura pas eu l’impact escompté auprès de la critique et du public. Et ce malgré d’évidentes bonnes intentions, un point de départ passionnant et une série de clins d’œil manifestes à La Mort aux trousses d’Alfred Hitchcock (qui inspira un autre film d’espionnage futuriste, Cypher de Vincenzo Natali). Ben Affleck, dont le talent vaut mieux que le Big Jim lisse qu’il incarne ici, à peu près aussi inexpressif qu’un Steven Seagal, incarne sans finesse (ou sans conviction ?) Michael Jennings, un génie de l’informatique capable de pirater des logiciels ou des technologies très performantes pour le compte de sociétés concurrentes. Comme nous sommes dans un futur proche, nul n’est besoin pour lui de signer une clause de confidentialité à l’issue de chacune de ses missions. Il lui suffit de se soumettre à une machine qui efface ses derniers souvenirs, ce qui n’est pas sans nous évoquer le principe de Johnny Mnemonic.

Engagé sur un nouveau contrat, notre protagoniste va devoir œuvrer sur une machine ultra-secrète, ce qui nécessitera l’effacement de trois années de sa mémoire. A l’issue de cette mission, au lieu d’empocher le chèque de 92 millions de dollars qui lui était promis, Jennings se retrouve avec une enveloppe contenant vingt objets dérisoires. Mais il découvre bien vite que ces derniers seront indispensables à sa survie, car désormais le voilà traqué par le FBI et toute une escouade de tueurs. Peu à peu, il parvient à recomposer le puzzle de son passé. La machine qu’il a construite permet de voir le futur, et dès lors tout le monde semble décidé à se débarrasser de lui. L’idée, particulièrement avant-gardiste en 1952 lorsque la nouvelle de Dick fut publiée, demeure très séduisante cinquante ans plus tard. Mais elle nécessitait, pour fonctionner, une rigueur à toute épreuve que le scénario s’avère incapable d’assurer, accumulant au contraire les incohérences les plus grossières.

« Quand on révèle son futur à quelqu’un, on l’en dépossède… »

Dommage. Il y avait pourtant un long-métrage captivant à construire autour de la thématique qu’énonce Jennings au cours de l’action : « quand on révèle son futur à quelqu’un, on l’en dépossède »… On sent bien, ça et là, l’influence de Minority Report et de Total Recall, mais ces deux films bénéficiaient d’une construction dramatique en béton armé et d’une direction artistique inventive. Or ici, au-delà des carences du script, le futur qu’on nous décrit n’a rien de futuriste, si ce n’est quelques technologies en avance sur leur temps et une poignée d’accessoires imaginaires. Difficile donc d’y croire, l’accumulation des cascades et des fusillades au cours de la dernière demi-heure ressemblant de toute évidence à un cache misère, comme si le savoir-faire technique de John Woo en la matière allait suffire à combler les trop nombreuses lacunes du film. Il était initialement prévu que Matt Damon incarne Michael Jennings, mais le comédien déclina le rôle, trop proche selon lui de l’agent secret qu’il incarnait dans La Mémoire dans la peau. D’où la passation de relais à son vieil ami Ben Affleck. Il y a d’ailleurs un point commun artistique entre les aventures de Jason Bourne et Michael Jennings : une bande originale ultra-énergisante composée par un John Powell en très grande forme. John Powell dont le talent fut d’ailleurs révélé dans Volte/Face de John Woo.

 

© Gilles Penso

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