A vrai dire, la comédienne n’intervient que dans deux séquences de La Chambre des tortures, mais elles sont tellement mémorables qu’elles justifient sans conteste sa présence en troisième position dans la liste des acteurs principaux du film. La première est un flash-back au cours duquel elle nous apparaît d’abord revêtue des plus belles parures, radieuse et souriante, vivant une douce idylle aux côtés de Nicholas avant de découvrir la chambre des tortures ancestrale et de se mettre lentement à dépérir. Dans la seconde, elle surgit de sa tombe, les yeux fous, le sourire cruel, les mains ensanglantées, pour venir harceler son pauvre époux. La dualité victime/bourreau mise en évidence dans Le Masque du démon est donc de mise une fois de plus. Selon une démarche similaire à celle de La Chute de la maison Usher, Corman tourne son film dans des décors tourmentés reconstitués en studio par le designer Daniel Haller, un parti pris dicté par les contraintes financières, mais qui procède aussi d’une volonté d’étrangeté et d’artifice. Car pour Corman, les récits de Poe sont des vues de l’esprit, des créations de l’inconscient ne se rattachant pas directement à la réalité.
© Gilles Penso