LE VOYAGEUR DE L’ESPACE (1960)

Le pilote d’un avion supersonique expérimental franchit la barrière du temps et se retrouve 64 ans dans le futur…

BEYOND THE TIME BARRIER

 

1960 – USA

 

Réalisé par Edgar G. Ulmer

 

Avec Robert Clarke, Darlene Tompkins, Vladimir Sokoloff, Boyd Morgan, Stephen Bekassy, Arianne Arden, John Van Dreelen

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS I FUTUR I MUTATIONS

Réalisé dans les dernières années de l’étonnante carrière d’Edgar G. Ulmer, Le Voyageur de l’espace narre les mésaventures du pilote d’essai William Allison, interprété par Robert Clarke qui fut également producteur du film. À bord d’un avion supersonique expérimental, Allison passe au-dessus de la couche atmosphérique et se retrouve dans l’espace. Mais la suite des événements lui échappe complètement. Emporté par son élan, l’avion franchit en effet la barrière du temps et le transporte 64 ans dans le futur. Il atterrit donc dans un aérodrome à l’abandon, et se retrouve bien vite capturé par les habitants d’une cité souterraine. Dans cet avenir guère engageant, les rayons cosmiques ont transformé la quasi-totalité de la population en mutants. Les moins atteints sont sourds-muets, les plus touchés sont retournés à l’état sauvage et se retrouvent parqués dans des geôles. Et tous sont stériles, à l’exception de la jolie Trirene (Darlene Tompkins), la fille du chef suprême de cette triste civilisation, frappée de mutisme mais capable de lire dans les pensées. Allison tombe à pic : tous voient en lui l’avenir de l’humanité, en l’accouplant avec Trirene pour que ces Adam et Eve de l’an 2024 engendrent une nouvelle génération saine et solide. Pas insensible aux charmes de la belle, le pilote ne l’entend pas pour autant de cette oreille, et va s’efforcer de s’évader pour regagner son avion et son époque…

Si l’idée de départ, fruit de l’imagination fertile d’Arthur C. Pierce, ne manque guère de sel, la mise en forme d’Edgar G. Ulmer s’avère hélas ampoulée et quelque peu fastidieuse. Car bien vite, le dialogue explicatif prend sérieusement le pas sur l’action et se répand de scène en scène jusqu’à l’apathie la plus complète. Comme en outre le jeu des comédiens ne convainc guère, Le Voyageur de l’espace suscite progressivement l’ennui, malgré les enjeux conséquents développés par le scénario. Reste la direction artistique, l’un des points forts d’Ulmer, comme le prouvait déjà son Chat noir au formidable design art-déco. Ici, les demoiselles du futur arborent des minijupes tendance Planète interdite et les décors, amples et glaciaux, déclinent à loisir les formes triangulaires.

La révolte des mutants

Étant donnée l’évidente exiguïté du budget, on peut s’étonner de l’ampleur desdits décors. Mais Ulmer est un malin. Incapable de les faire édifier spécialement pour son film, il les « emprunta » à une exposition futuriste qui se tint à Dallas en 1959, et les réutilisa d’ailleurs dans la foulée pour son Amazing Transparent Man. Le statisme de la réalisation se rompt furtivement le temps d’une révolte des mutants assez mouvementée, au cours de laquelle les hommes sont violemment malmenés et les femmes pratiquement violées par les évadés enragés et bestiaux. Quant au final, il énonce sans concession son message antinucléaire et démontre qu’on ne franchit pas impunément la barrière du temps. A vrai dire, la force du propos et le minimalisme de la mise en scène eurent été bien plus efficace au service d’un épisode de La Quatrième dimension ou d’Au-delà du réel, ce long-métrage étant décidément trop languissant pour convaincre totalement.

 

© Gilles Penso


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