L’ÎLE DU DOCTEUR MOREAU (1977)

Cette seconde adaptation du classique de H.G. Wells met en scène Burt Lancaster en savant fou et Barbara Carrera en troublante beauté exotique…

THE ISLAND OF DR. MOREAU

 

1977 – USA

 

Réalisé par Don Taylor

 

Avec Burt Lancaster, Michael York, Barbara Carrera, Richard Basehart, Nigel Davenport, Nick Cravat, Bob Ozman

 

THEMA MÉDECINE EN FOLIE

Ancien acteur chez Jules Dassin et Otto Preminger, Don Taylor s’est forgé au fil des ans une réputation de solide technicien spécialisé dans le film d’aventure des années 70 (Les Évadés de la planète des singes, Damien, Nimitz : retour vers l’enfer) n’imprimant pas toujours à ses films l’empreinte d’une forte personnalité. Il en aurait pourtant fallu pour succéder à L’île du docteur Moreau d’Erle C. Kenton, véritable chef d’œuvre d’effroi et de malaise. Sans doute le casting décalé de cette deuxième adaptation officielle du roman de H.G. Wells ne facilite-t-il guère l’implication des spectateurs. L’immense Burt Lancaster manque étrangement de panache sous la blouse du docteur Moreau (après que de nombreux comédiens britanniques aient décliné le rôle). Michael York lui-même (héros de L’Âge de cristal un an plus tôt) n’a pas beaucoup de charisme sous la défroque de l’aventurier Andrew Braddock, échoué sur cette fameuse île mystérieuse après un naufrage et la mort de ses deux compagnons. Même le vénérable Richard Basehart (Ishmael dans le Moby Dick de John Huston), dans la peau de l’homme-loup qui récite la loi des « humanimaux », a toutes les peines du monde à nous faire oublier l’hallucinante prestation de Bela Lugosi.

Seule Barbara Carrera (déjà troublante dans Embryo) se détache du lot dans le rôle de Maria. Sa beauté exotique et quelque peu sauvage est une véritable oasis dans cette œuvrette dont l’un des principaux mérites aura été de faire découvrir le roman de Wells à toute une génération n’ayant pas connu l’adaptation de 1933. Il est tout de même dommage que le scénariste John Herman Shaner n’ait pas cède à la tentation de muer Maria en femme-panthère comme la Lota d’Erle C. Kenton, malgré une légère ambiguïté laissée en suspens. Le dénouement lui aussi dénonce une étrange faute de goût. Car le héros s’y enfuit en mer en se transformant en bête à son tour avant de redevenir humain, un rebondissement gratuit et incohérent. À l’origine, une autre chute, tournée mais non montée dans le film, montrait Maria retrouver sa bestialité première et égorger l’infortuné naufragé. Voilà qui aurait certes eu plus d’impact que la version édulcorée que nous connaissons.

Dieu a horreur de la concurrence

L’une des qualités indiscutables de cette version 1977, tournée dans l’archipel des îles Vierges, réside sans doute dans la beauté des maquillages spéciaux, œuvre de Tom Burman et Dan Striepeke. Leurs travaux cosmétiques inventifs mixent habilement les morphologies de l’homme avec celles des taureaux, des tigres ou des loups. Il faut aussi reconnaître que l’approche tempérée du caractère docteur Moreau, si elle accuse une certaine « fadeur », permet tout de même d’approfondir les tourments d’un personnage qu’on a connu plus malsain et moins réfléchi. Le savant incarné par Lancaster se rapproche d’une certaine manière de celui imaginé originellement par Wells. Car ses expériences, plus liées à la génétique qu’à la chirurgie (signe des temps), sont censées, à terme, éviter les malformations et autres drames physiologiques générés par la nature. Mais la fin justifie-t-elle toujours les moyens ? Quelles que soient les adaptations – officielles ou officieuses – du roman, la réponse demeure invariablement négative. L’apprenti-sorcier jouant avec Mère Nature est rarement bien loti en pareil contexte, d’autant que, comme l’affirmera avec cynisme l’un des slogans de Re-Animator, « Dieu a horreur de la concurrence ». Pour enfoncer le clou, Montgomery (Nigel Davenport), le cynique compagnon de Moreau, surnomme d’ailleurs son île « le jardin d’Eden ».

 

© Gilles Penso

 

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