THE SHADOW (1994)

Le réalisateur d’Highlander dirige Alec Baldwin dans le rôle du plus ancien et du plus énigmatique de tous les super-héros…

THE SHADOW

 

1994 – USA

 

Réalisé par Russell Mulcahy

 

Avec Alec Baldwin, John Lone, Penelope Anne Miller, Tim Curry, Peter Boyle, Ian McKellen, Jonathan Winters, Sab Shimono, Andre Gregory

 

THEMA SUPER-HÉROS

C’est sur le tournage de L’Affaire Karen McCoy que le producteur Martin Bregman propose au réalisateur Russell Mulcahy de se pencher sur une adaptation de The Shadow, l’un des tout premiers super-héros de tous les temps, découvert par le grand public dans les années trente à la faveur d’une série de romans et de feuilletons radiophoniques. The Shadow est une institution depuis longtemps. Bob Kane avoue s’en être inspiré pour créer Batman et Orson Welles lui prêta même sa voix en 1937. C’est bien sûr pour profiter du regain d’intérêt pour le genre initié par le Batman de Tim Burton, le Dick Tracy de Warren Beatty et The Crow d’Alex Proyas qu’un long-métrage consacré à « l’Ombre » est mis en chantier au milieu des années 90 par le studio Universal. Le scénario de David Koepp, à qui nous devons notamment Jurassic Park et L’Impasse, ne reprend pas l’histoire d’un épisode en particulier mais mixe plusieurs éléments puisés dans cette vaste mythologie créée à l’origine par Walter Gibson (sous le pseudonyme de Maxwell Grant). Charge au trio scénariste/réalisateur/producteur de trouver le ton juste, équilibrant le mieux possible l’action, l’aventure, le mystère et l’humour. Et pour contrôler tous les éléments, Mulcahy fait reconstituer une version stylisée et art déco de la ville de New York à Hollywood, sur plusieurs plateaux des studios Universal.

Nous sommes à la fin des années 20. Le Tibet tremble sous la coupe du sanguinaire Ying Ko (Alec Baldwin). Enlevé sur ordre de Tulku (Brady Tsurutani), un saint homme aux pouvoirs surnaturels, le redoutable chef de guerre se rachète et devient son disciple. Sept ans plus tard, Ying Ko renaît à New York sous les traits de Lamont Cranston, un playboy oisif qui, la nuit, se mue en justicier masqué portant le nom de The Shadow. Ce super-héros ténébreux possède entre autres le don de se rendre invisible. Quelques fidèles, qui lui doivent la vie, connaissent son secret et sont à son service. Ils ne seront pas de trop lorsque Shiwan Khan (John Lone), disciple félon de Tulku qu’il a assassiné après avoir volé sa magie, émerge soudain de son sarcophage pour asservir l’Amérique à l’aide d’une méga-bombe. Le vil barbare enlève pour ce faire le professeur Lane (Ian McKellen), père de la belle Margo (Penelope Anne Miller)…

L’homme de l’ombre

Le casting de The Shadow est l’un de ses points les plus forts. Alec Baldwin, encore auréolé du succès de son rôle de Jack Ryan dans À la poursuite d’Octobre Rouge, endosse ici un personnage à trois facettes (le guerrier brutal, le séducteur débonnaire et le justicier nocturne) avec un enthousiasme palpable. À ses côtés, Penelope Anne Miller incarne le parfait archétype des femmes fatales des années 30 et Tim Curry nous régale en savant fou excessif. Mais le film est entravé par un scénario qui peine à définir clairement les attributs de son super-héros, soulevant une tonne de questions laissées en suspens. La métamorphose physique de Cranston au moment où il devient The Shadow (avec un allongement très surprenant de son appendice nasal) n’est jamais expliquée, pas plus que la capacité – ou non – qu’ont ses adversaires de le blesser en s’attaquant à son ombre. Le récit se laisse également jalonner par quelques invraisemblances, comme ces barbares en tenue exotique, censés pourtant se faire discrets, qui déambulent dans les rues de New York sans jamais attirer l’attention. Côté direction artistique, rien à redire. La reconstitution de cette mégalopole des années 30 est splendide, tout comme cette photographie somptueuse qui nimbe Alec Baldwin de ténèbres extrêmement graphiques. L’esthète Mulcahy n’a donc rien perdu de son savoir-faire pictural. En très grande forme, le compositeur Jerry Goldsmith dote quant à lui le film d’une partition flamboyante. Sur une base rythmique synthétique rappelant ses travaux sur Total Recall, Goldsmith construit un thème épique et puissant, porté par des cuivres tourmentés voisins de ceux de Danny Elfman pour Batman. Mais tous ces talents auraient mérité de se mettre au service d’un film plus personnel et mieux construit. Dans un registre voisin, comment ne pas préférer le grain de folie du Darkman de Sam Raimi ?

 

© Gilles Penso

 

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